C’est ici que les données confidentielles de la Direction de la justice zurichoise ont atterri: dans un fameux bistrot de la ville, le Neugasshof, où les Hell’s Angels étaient des clients réguliers. Roland Gisler, son tenancier, risque une peine de plusieurs années pour trafic de cannabis à grande échelle, après une descente de police en 2017.
C’est probablement l’un des derniers endroits où les procureurs zurichois veulent voir atterrir leurs données privées – adresses, numéros de téléphone, dossiers sensibles. Cela fait sourire Roland Gisler, comme lorsqu’il a pris connaissance des articles de journaux publiés en fin de semaine. «Jusqu’à présent, je n’ai pas encore eu de nouvelles du Ministère public, glisse-t-il en retrouvant son sérieux. Mais cela viendra peut-être. Ils ne réagissent pas très vite.»
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Des comptes à régler?
C’est le frère du tenancier qui a récupéré les appareils et les disques durs mis au rebut, mais dont les données sensibles n’ont jamais été effacées. La Direction de la justice zurichoise était au courant depuis longtemps de ce défaut de procédure. Roland Gisler aurait lui-même tenté de prévenir les autorités il y a des années déjà, selon ses dires.
Il aurait même tiré la sonnette d’alarme à plusieurs reprises. «Mais personne ne m’a cru. Il ne s’est rien passé», témoigne-t-il. Lorsqu’il a mentionné la fuite de données sensibles à un procureur lors d’un interrogatoire, celui-ci n’a pas réagi. «Je lui ai alors envoyé par e-mail sa propre évaluation en tant que collaborateur», soutient le Zurichois.
Le tenancier a plus d’un compte à régler avec le Ministère public. Ce, pour des faits antérieurs à cette affaire. Par le passé, il aurait réalisé un bénéfice illégal de trois millions de francs grâce au trafic de cannabis. Somme qu’il devrait maintenant remettre à l’Etat, selon l’accusation. «Un chiffre ridiculement élevé», avance Roland Gisler. Des biens appartenant à son frère auraient même été saisis. Le Tribunal fédéral devrait prochainement se pencher sur la question. Selon lui, les deux affaires – la fuite de donnée et l’accusation pour trafic de substances – sont liées: «La seule raison qui explique pourquoi ils m’ont pris en grippe à cause de l’herbe, c’est que je possédais ces données sensibles», tonne-t-il.
Roland Gisler a du mal à garder son calme. Il n’est pas aisé de suivre son raisonnement, son discours est nébuleux par moments. Une montagne de paperasse jonche son bureau, tous comme les dossiers remplissent l’écran de son ordinateur.
Où sont les données sensibles?
Une chose est sûre: pour le tenancier, le traitement qu’il subit est injuste. C’est pourquoi il s’est défendu contre le Ministère public zurichois par tous les moyens, frôlant parfois avec l’illégalité. Il a par exemple placardé des flyers accusateurs en mentionnant la commune d’origine de certains procureurs. Il leur a envoyé des photos sur leur numéro de téléphone portable privé. Et se serait même rendu à leurs domiciles.
Résultat: huit mois de détention provisoire et une procédure pénale pour violences et menaces contre les autorités et ses fonctionnaires. Et une accusation de plus dans son dossier déjà chargé.
Mais une question persiste: où se trouvent désormais toutes ces données sensibles? Et qu’y a-t-il d’autre sur les appareils qui, selon Roland Gisler, ont été envoyés à l’étranger? «C’est une question un peu délicate, souffle-t-il. Je préfère garder le silence à ce sujet.»