La présidente du Conseil d'État vaudois Christelle Luisier Brodard est-elle empêtrée dans un conflit d'intérêts concernant un terrain à 62 millions de francs? Contactée par Blick, l'élue libérale-radicale (PLR) réfute avec fermeté toutes les accusations et sous-entendus qui se murmurent à Prilly, localité de l'Ouest lausannois de plus de 12'500 âmes, où les rapports viennent subitement de se tendre entre la Ville et le gouvernement cantonal.
C'est cette fois l'existence d'une ancienne casquette de l'actuelle patronne du Conseil d'État qui jette de l'huile sur un feu déjà bien nourri. La Municipalité (exécutif) assure en avoir appris l'existence via nos questions posées au début de l'été. Et s'insurge.
Rappelons les grandes lignes de cette affaire à tiroirs qui attise les passions depuis des mois. En mars, le Tribunal cantonal donne raison à Prilly, qui a exercé son droit de préemption, en 2022, sur une parcelle privée d’une valeur de 62 millions de francs.
Dans le canton de Vaud, le droit de préemption permet, depuis 2020, aux communes situées dans des régions en pénurie de logements la possibilité d’acquérir de manière prioritaire — donc de force — un bien-fonds (bâti ou non bâti) sur le point d’être vendu à un privé pour développer des logements d’utilité publique (LUP). Il ne s’agit pas d’une expropriation, mais d’un achat respectant les conditions fixées entre le vendeur et l’acheteur initialement prévu. «La loi ne fait aucune distinction entre les droits à bâtir affectés à l'habitation, à l'industrie, à l'artisanat ou aux constructions et installations publiques, précisent les autorités sur leur site internet. Le moment déterminant est celui de la vente.»
Dans le canton de Vaud, le droit de préemption permet, depuis 2020, aux communes situées dans des régions en pénurie de logements la possibilité d’acquérir de manière prioritaire — donc de force — un bien-fonds (bâti ou non bâti) sur le point d’être vendu à un privé pour développer des logements d’utilité publique (LUP). Il ne s’agit pas d’une expropriation, mais d’un achat respectant les conditions fixées entre le vendeur et l’acheteur initialement prévu. «La loi ne fait aucune distinction entre les droits à bâtir affectés à l'habitation, à l'industrie, à l'artisanat ou aux constructions et installations publiques, précisent les autorités sur leur site internet. Le moment déterminant est celui de la vente.»
Les trois sociétés qui avaient prévu de l’acheter — et qui ont attaqué la Commune en justice — ont fait recours au Tribunal fédéral. À l'heure où ces lignes sont écrites, la plus haute instance du pays ne s'est pas prononcée.
Un mélange qui sent le lisier?
Quoi qu'il en soit, d'abord discret, le trio d'acquéreurs évincés sort du bois début mai dans un communiqué repris par Keystone-ATS. Celui-ci est composé des sociétés HRS Investment, Equitim et Realitim. Si le nom d'Equitim semble familier aux oreilles averties de Blick, c'est parce que Christelle Luisier Brodard siégeait au sein de son conseil de fondation, de 2015 à 2020, lorsqu'elle n'était «que» syndique de Payerne.
Or, trois ans plus tard, en avril 2023, le gouvernement à majorité de droite présidé par la Broyarde, devenue entre temps ministre cantonale du logement, a tranché en faveur des partis bourgeois locaux — PLR, Union démocratique du centre (UDC) et Centre. Ces derniers avaient saisi le Canton pour annuler l’adoption par le Conseil communal d’un préavis, estimant que le quorum n’était pas atteint au moment du vote.
Cela a son importance! Il n'est pas question, ici, d'un vulgaire préavis «tuyaux» comme les organes délibérants en adoptent à la pelle, souvent (et malheureusement) dans l'indifférence générale. Mais de celui devant permettre à la Ville d’exercer son droit de préemption sur le terrain à 62 millions de francs. Le fameux lopin de terre convoitée par Equitim, la fondation privée dont Christelle Luisier Brodard défendait encore récemment les intérêts.
Prilly sort son gros bazooka
La Municipalité de Prilly avait-elle connaissance de cette précédente fonction de l'élue PLR? Juge-t-elle ce mandat d'hier problématique au vu des divergences de vue — et même des conflits — d'aujourd'hui? Nous l'avons sondée le 17 juillet. À cause de la trêve estivale (et d'un débat animé, ses membres n'étant pas tous d'accord, nous précise-t-on), la prise de position de l'Exécutif à majorité de gauche nous est parvenue le 15 août.
Lisez plutôt. «La Municipalité a été surprise d’apprendre qu’il existait des liens importants entre Madame la présidente du Conseil d'État et une des personnes morales désireuses d’acquérir la parcelle objet du droit de préemption, écrit dans un courriel Maurizio Mattia, municipal en charge des Domaines et des Bâtiments. Ceci donne un éclairage nouveau à ce dossier et renforce le sentiment que la décision prise par le Conseil d'État ne l’a pas été avec toute la hauteur attendue.»
Cet élu écologiste, portant l'étendard du collège municipal, poursuit sa charge à la baïonnette: «Ces liens nouvellement mis à jour s’ajoutent à un contexte donnant déjà un sentiment de partialité, dès lors que le Conseil d'État a statué sur un recours déposé par les partis PLR, UDC et Le Centre, représentés en son sein. Cela apparaît d’autant plus problématique que le Conseil d'État a donné raison aux partis politiques alors même qu’il avait reconnu leur absence de qualité pour recourir, ce qui aurait dû conduire à une non entrée en matière.»
Maurizio Mattia rappelle que c'est notamment pour cette raison que la Municipalité a déposé un recours au Tribunal fédéral. Objectif? Dézinguer la décision du Conseil d'État «qui s’ingère en outre dans son mandant constitutionnel de mettre en œuvre une politique en faveur de la construction de logements accessibles à tous».
Arrêtons les pudeurs de gazelle: l'Exécutif de Prilly estime-t-il qu'il y a là «un conflit d'intérêts», comme plusieurs administrées et administrés le supputent? Ou, à ses yeux, tout est transparent et en règle? «Le dossier est en ce moment en main du Tribunal fédéral et c’est donc cette plus haute instance qui donnera son verdict sur ces questions. La Municipalité attend avec une certaine impatience cette décision.»