«Ça fait vraiment mal.» Angela Müller, 52 ans, est au bord des larmes lorsqu'elle raconte à Blick ce qui est arrivé à son père. Depuis son séjour en hôpital psychiatrique, rien n'est plus comme avant. Hormis sa démence, son père, Kurt Müller, 76 ans, se portait bien. «Il pouvait marcher, manger et faire les courses avec moi», raconte-t-elle.
Mais tout cela appartient désormais au passé: «Depuis son hospitalisation, mon père est en fauteuil roulant et doit être soulevé de son lit à l'aide d'un lève-personne.» L'incident s'est produit en juin 2022. Le retraité, considéré comme sociable et joyeux, est transféré de la maison de retraite de Grosswangen (LU) à la clinique psychiatrique St. Urban de Lucerne. «Comme il s'agitait ou se faisait remarquer de temps en temps en raison de sa démence, on m'a dit qu'il fallait procéder à une adaptation médicamenteuse», explique la Lucernoise.
Onze jours d'enfermement en chambre d'isolement
À ce moment-là, Angela Müller et sa famille ne se doutent pas de l'horreur que leur père va vivre. Quelques heures après son admission à l'hôpital, Kurt Müller se retrouve en chambre d'isolement. «Ils l'ont enfermé parce qu'il avait crié et frappé à la porte», raconte sa fille.
S'ensuivent onze jours sombres dans la chambre, qui n'est équipée que d'un matelas et d'un cube de mousse. Ses lunettes, sa montre et son alliance lui sont retirées. «Il n'avait plus rien du tout». Il n'a pas non plus le droit de recevoir des visites pendant cette période. Kurt Müller n'a même pas de contact avec le personnel soignant. «Ils lui ont posé son repas et sont repartis. Je n'ose même pas imaginer ce qui a dû lui passer par la tête», explique Angela Müller. Mais ce n'est même pas la pointe de l'iceberg: «Ils ont bourré mon père de médicaments».
Six Temesta en un jour
Comme le montre le dossier médical consulté par Blick, plusieurs forts sédatifs ont été administrés quotidiennement au senior. «Temesta, Dipiperon, Risperidon, Valium - ils ont presque sédaté mon père à mort.» En une seule journée, on lui a donné six Temesta, une benzodiazépine aux effets sédatifs et anxiolytiques, et deux autres «médicaments inconnus», comme on peut le lire dans le dossier médical. «Comment se fait-il que l'on ne sache pas ce qu'on lui a donné?»
Au neuvième jour d'isolement, l'état de Kurt Müller se dégrade soudain de manière drastique. Le personnel soignant tire la sonnette d'alarme, le patient ne serait quasiment plus réceptif. Suspectant une attaque cérébrale, le retraité est transporté en ambulance à l'hôpital. Lorsque sa fille entre dans sa chambre, elle a un choc: «Je l'ai à peine reconnu.»
Quelques heures plus tard, les médecins lèvent l'alerte. Le senior n'a pas eu d'attaque cérébrale. Au lieu de cela, le dosage médicamenteux de dipipérone, de rispéridone et de temesta aurait entraîné un «trouble du comportement», comme l'indique la lettre de l'hôpital. «Mon père a donc eu un surdosage et l'hôpital ne l'a même pas remarqué», déclare Angela Müller.
Pour Max Giger, médecin et ancien président de la Commission fédérale des médicaments (CFM), le cas est clair. Le patient a été «presque gavé de médicaments». C'est ce qu'a déclaré l'expert dans une interview accordée à «Kassensturz», avant d'ajouter qu'il est tout à fait possible que la prise de la benzodiazépine Temesta ait même renforcé l'agitation du patient.
La clinique ne veut pas s'exprimer sur le cas
De retour à St. Urban, Kurt Müller doit retourner dans la chambre d'isolement. «Je ne comprenais plus rien», explique sa fille. Après deux jours, son père peut enfin retourner dans la chambre normale.
Contactée par Blick, la clinique psychiatrique ne souhaite pas s'exprimer sur ce cas. Comme le fait savoir Daniel Müller, responsable de l'état-major Direction, communication et marketing, les soins à la Luzerner Psychiatrie AG (Lups) sont effectués selon les normes en vigueur. «Nous souhaitons que chaque traitement se déroule sans incident», poursuit Daniel Müller. Malgré tout, une sécurité à 100% ne peut malheureusement jamais être assurée.»
«Ils l'ont cassé»
Entre-temps, Kurt Müller a retrouvé son environnement habituel, la maison de retraite de Grosswangen. Mais le temps passé à l'hôpital a laissé des traces. Il est depuis fortement traumatisé. «Chaque fois que je dis St. Urban, il sursaute et demande s'il doit y retourner», explique la fille du retraité. Angela Müller est convaincue qu'ils ont volé à son père cinq ans de sa vie. «Ils l'ont cassé. Je ne vais pas laisser passer ça», déclare-t-elle avec rage.