Ils humilient les autres, font usage de la violence et diffusent leurs actions en direct sur les réseaux sociaux. Depuis des mois, des crimefluencer comme Brian Keller et Giorgio L.*, alias Skorp808, créent un climat tendu parmi les influenceurs suisses à cause de leurs actions criminelles et douteuses. Sur TikTok, les deux ex-détenus se présentent comme des «hommes d'honneur» prêts à la violence. Leur entourage est toujours prêt à s'en mêler.
A peine sorti de prison, Brian Keller a menacé Skorp808 en janvier dans une courte vidéo sur Tiktok et a appelé à infliger des violences à l'influenceur. Tout ça parce qu'il aurait dit du mal de lui. Brian s'est ensuite présenté devant la maison de Giorgio L. L'ex-détenu a immortalisé ce moment sur les réseaux sociaux.
Enfin, la semaine dernière, la situation a complètement dégénéré: Brian a frappé Skorp808. Une vidéo de la scène a aussitôt été partagée par la victime et son entourage sur différents canaux. Peu après, deux tiktokeurs proches de Brian - D.* et F.* - se sont rendus chez la victime. Celle-ci les a poursuivis à travers la ville de Zurich avec un couteau. Le tiktokeur a, à son tour, diffusé son action en direct sur le réseau social, avant d'être arrêté. Tout ceci est digne d'une mauvaise série TV.
Outre la guéguerre entre Keller et Skorp808, d'autres streameurs issus du même milieu zurichois ont également provoqué de vives réactions. C'est le cas du tiktokeur F., cité plus haut, qui a agressé et frappé une femme l'automne dernier. Là encore, tout a été enregistré en vidéo.
En mars dernier, le tiktokeur Ö. Y.* s'est enflammé en direct sous l'effet de la drogue et a tabassé des gens, jusqu'à ce que la police intervienne. Skorp808 était présent dans la vidéo diffusée. Outre les actions violentes, les insultes et les humiliations les plus grossières se produisent régulièrement sur différentes plateformes. Les publications de vidéos intimes ou de mèmes bricolés au contenu insultant sont aussi monnaie courante.
Pourquoi donc les tiktokeurs diffusent-ils leurs actes de violence sur les réseaux sociaux? Pourquoi sont-ils incités à agir de la sorte, bien qu'ils puissent ainsi se nuire à eux-mêmes?
Des conflits volontaires
Le criminologue Dirk Baier l'assure: «Les conflits sont provoqués spécifiquement pour obtenir des clics. Ces influenceurs vendent la violence comme un spectacle.» L'homme que la reconnaissance et la visibilité sont deux principaux facteurs d'incitation: «Beaucoup de likes et de followers sont synonymes d'une certaine célébrité.» Malgré tout, cela est intéressant financièrement pour «très peu d'entre eux», indique l'expert.
Les réseaux sociaux auraient un potentiel d'escalade en eux-mêmes: La raison? «Tout simplement parce que des textes ou de courtes vidéos peuvent rapidement être mal interprétés. Une déclaration peut être perçue comme une provocation. Au final, pour défendre son honneur ou celui du groupe, il faut régler l'affaire avec les poings.»
Les curieux attisent la guéguerre
Selon Dirk Baier, les bystanders, c'est-à-dire les curieux, constituent un problème: «Beaucoup d'autres personnes, même non impliquées, voient les contenus postés. Certains jettent alors de l'huile sur le feu. D'autres sont passifs, mais génèrent tout de même une certaine pression pour agir, car on ne veut pas passer pour un faible devant eux.»
Tout est également question d'image de soi: «On veut se montrer comme un type fort et on attend de la reconnaissance. Mais ces personnes n'ont généralement pas grand-chose dont elles puissent être fières dans leur vie, c'est pourquoi elles ne peuvent que montrer comment elles prouvent leur virilité», tacle l'expert.
Un faible contrôle de soi
Le fait que les crimefluencer puissent se nuire à eux-mêmes avec leurs streams ou leurs posts violents est négligé pour différentes raisons: «Certains pensent avec arrogance que la police ne peut de toute façon rien contre eux. D'autres ne tiennent tout simplement pas compte des conséquences», poursuit Dirk Baier. Un faible contrôle de soi serait l'une des principales caractéristiques des auteurs de violences. L'absence d'anticipation des conséquences conduit les principaux protagonistes à publier du contenu de manière impulsive.
Désormais, Brian Keller, Giorgio L. ainsi que les tiktokeurs D. et F. sont derrière les barreaux.
* Noms connus