La Banque nationale suisse est à bout de souffle. Elle met en garde de façon toujours plus pressante qu’un krach immobilier est à venir, mais ne fait rien pour l’empêcher. Elle continue d’alimenter la bulle, et ce, avec une justification qui ne tient plus la route.
Fin août, le sous-directeur de la BNS, Fritz Zurbrügg, a tiré la sonnette d’alarme. Il perçoit le risque accru d’un ajustement des prix sur le marché de l’immobilier: «Les vulnérabilités sont importantes.» En effet, malgré le Covid, la Suisse a accueilli près de 60’000 immigrants l’année dernière; tous ont besoin d’espace pour vivre. En outre, l’économie est à nouveau en plein essor et le taux de chômage est en baisse. Toutes ces raisons font grimper toujours plus les prix de l’immobilier. Mais pas seulement.
La BNS avertit, mais n’agit pas
Les taux d’intérêt particulièrement bas sont une cause importante de cette augmentation. Paradoxalement, la BNS ne veut toutefois en aucun cas les relever, comme elle l’a annoncé la semaine dernière. «De cette façon, elle contribue elle-même à la bulle immobilière», détaille Donato Scognamiglio, responsable de la société immobilière Iazi. Elle ne participe pas à la résolution du problème. «Elle prévient, mais ne vient pas en aide.»
En d’autres termes, les avertissements de la BNS ne servent à rien tant qu’elle n’augmente pas les taux d’intérêt. Le secteur de l’immobilier a oublié que les prix peuvent encore baisser, explique Donato Scognamiglio. Il est donc d’autant plus important pour les propriétaires de rembourser leurs prêts hypothécaires dès à présent. «L’inflation est déjà là aux États-Unis et en Allemagne. À tout moment, les taux d’intérêt vont augmenter.»
Il sera alors probablement trop tard pour une augmentation progressive. L’économiste politique Joscha Wullweber de l’Université allemande de Witten/Herdecke n’est pas surpris: «Les banques centrales sont face à un dilemme. Elles doivent fournir de plus en plus d’argent pour stabiliser l’ensemble du système, même si cela le rend de plus en plus incertain.»
Cette incertitude caractérise les marchés depuis 2008, l’année où un gigantesque krach immobilier a provoqué l’effondrement du monde financier. Pourquoi la BNS n’anticipe-t-elle pas avec des contre-mesures? «Le marché immobilier n’est qu’un pion», affirme l’expert en immobilier Andreas Loepfe de l’Université de Zurich. «La BNS doit également garder un œil sur le franc et l’économie. C’est pourquoi elle accepte d’alimenter davantage la bulle immobilière, et tente dans un même temps de freiner le marché avec des avertissements.»
Plus la bulle sera importante, plus grande sera la chute
Toute personne intéressée à accéder à la propriété doit garder un œil sur cette évolution, estime Andreas Loepfe. «Dès qu’une augmentation des taux d’intérêt se fait sentir, il est clair qu’acheter une maison devient dangereux. Car plus le marché immobilier continuera à être alimenté en parallèle à l’économie, plus la chute des prix sera importante lorsque les stimuli économiques disparaîtront et que des hausses de taux d’intérêt se profileront à l’horizon.»
Toutefois, la BNS a déclaré la semaine dernière que le franc restait «hautement valorisé». «Cela ne correspond plus à la réalité», affirme Adriel Jost, responsable de la société de conseil WPuls. «À l’étranger, le pouvoir d’achat des monnaies a baissé. Le franc n’est plus surévalué par rapport à l’euro et par rapport au dollar, nous avons même affaire à une sous-évaluation.»
En outre, la question quant à la différence du taux d’intérêt avec l’étranger et son influence réelle sur la force du franc persiste. Selon Adriel Jost: «Le rôle des nombreux investisseurs suisses qui ramènent leur argent dans le pays parce qu’ils cherchent un refuge sûr est bien plus déterminant. En comparaison, la différence de taux d’intérêt a un impact mineur.»
Selon l’expert, l’époque actuelle serait idéale pour une légère hausse des taux d’intérêt. «Les perspectives économiques sont bonnes et le franc est assez bien valorisé. La BNS doit oser franchir cette étape rapidement.»