La Banque nationale suisse (BNS) offre régulièrement des dividendes aux cantons et à la Confédération. En effet, lorsque la BNS enregistre des bénéfices, une partie de ceux-ci est redistribuée: deux tiers vont aux cantons et un tiers à la Confédération.
Cependant, le groupe de réflexion libéral Avenir Suisse souhaite modifier cette pratique, a rapporté Blick ce mardi. Il propose que les bénéfices soient directement distribués directement à la population plutôt qu'à la Confédération et aux cantons. Ces dernières années, cela aurait représenté un montant compris entre 110 et 440 francs par personne et par an. Cette somme pourrait par exemple prendre la forme d'un crédit d'impôt ou être déduit des primes d'assurance maladie. Selon Jürg Müller, directeur d'Avenir Suisse, cela renforcerait l'indépendance de la BNS en dépolitisant la banque nationale.
Moins de stabilité pour la Banque nationale
Cette proposition n'est toutefois pas du tout bien accueillie par les cantons. Une nouvelle répartition signifie plus d'incertitude et moins de stabilité pour la BNS, affirme Ernst Stocker, président de la Conférence des directeurs cantonaux des finances et chef de la direction des finances du canton de Zurich. «La BNS n'est pas un coffre au trésor dans lequel on peut se servir», dit-il. Selon lui, les bases en vigueur ont fait leurs preuves et doivent être maintenues. Le directeur des finances argovien Markus Dieth est du même avis: «Je ne vois pas comment cela pourrait renforcer l'indépendance de la Banque nationale.»
La distribution directe semble certes attractive à première vue, déclare Heinz Tännler, directeur des finances du canton de Zoug. Mais elle menace la stabilité de la BNS: «Des groupes politiques pourraient exercer une pression accrue sur la Banque nationale et exiger des distributions plus élevées.» La réponse d'Urs Martin, directeur des finances du canton de Thurgovie, est brève mais claire. Que pense-t-il de cette proposition? «Rien du tout.»
Trou dans la caisse du canton
Sans parler de la BNS, ce changement aurait également des conséquences négatives pour les cantons. «La marge de manœuvre en matière de politique financière diminuerait dans tous les cas et la pression pour des mesures d'économie augmenterait», explique Ernst Stocker.
Les distributions de la BNS apportent parfois des millions importants dans les caisses des cantons et de l'État: 4 milliards de francs au total en 2020, et même 6 milliards de francs les deux années suivantes. Mais il arrive aussi que les paiements ne soient pas effectués. C'était le cas l'année dernière et ce sera encore le cas cette année. Les millions de la Banque nationale sont un cadeau bienvenu, mais les cantons ne peuvent pas s'y fier.
Si l'argent arrive, il faut l'utiliser de manière raisonnable. S'il ne vient pas, cela ne doit pas signifier un trou dans le budget, argumente Heinz Tännler. Malgré tout, la modification proposée mettrait de nombreux cantons dans de sérieuses difficultés. «Les cantons financièrement faibles, en particulier, pourraient être contraints soit d'augmenter les impôts, soit de réduire les investissements.»
«Socialement injuste»
Les directeurs des finances soulignent également les nouvelles injustices qu'entraînerait une répartition directe à la population: les personnes financièrement aisées recevraient la même somme que les personnes aux revenus plus faibles. C'est socialement injuste, estime Heinz Tännler. Avec la répartition actuelle, les cantons peuvent s'assurer que les moyens sont utilisés là où ils sont le plus utiles.
Mais la proposition n'est pas seulement rejetée par les directeurs financiers qui profitent des fonds de la Banque nationale. Même les politiciens bourgeois au Parlement ne trouvent rien à redire à cette exigence. «La BNS a pour mission de maintenir la stabilité de notre système financier et de notre monnaie. Elle ne pourrait plus le faire de manière indépendante si tout à coup les gens ne s'intéressent plus qu'aux bénéfices», déclare le conseiller national PLR bernois Christian Wasserfallen.