Le balancement du wagon et le bruit des roues enfilant les rails: les seuls éléments perceptibles par la présidente du Conseil national Irène Kälin et la délégation suisse lors de leur voyage nocturne à travers l’Ukraine. Les fenêtres du train de nuit étaient recouvertes de stores, impossible de les ouvrir. Une mesure de sécurité pour que le train ne soit pas la cible d’une attaque.
C’est entre inquiétude et respect que l’élue Verte a entrepris ce voyage, selon ses propres mots. Plus le train se rapprochait de la capitale Kiev, plus son impression de malaise et celui de ses compagnons de voyage augmentait. «Ce ne sera pas facile», a alors lancé le chef du groupe socialiste Roger Nordmann, assis sur la couchette du wagon-lit.
Beaucoup d’incertitudes
Outre Roger Nordmann et ses collègues du Conseil national Yves Nidegger et Nik Gugger, l’ambassadeur suisse en Ukraine, Claude Wild, et son homologue ukrainien en Suisse, Artem Rybchenko, ont également accompagné les élus argoviens lors de leur courte visite dans la zone de guerre.
Après une dizaine d’heures de train, Irène Kälin et ses collègues sont arrivés à Kiev. La délégation suisse s’est rendue dans le pays en guerre sur invitation du président du parlement ukrainien. Le programme a dû être adapté en permanence selon la situation sur place. Jusqu’en début d’après-midi, on ne savait pas si Irène Kälin allait pouvoir rencontrer le président ukrainien Volodymyr Zelensky.
Rencontre avec le président Zelensky
La politicienne suisse et le président ukrainien se sont finalement serré la main dans l’après-midi, en marge d’une réunion avec les autorités locales. Lors de cette brève rencontre, Volodymyr Zelensky aurait exprimé sa gratitude envers la solidarité de la Suisse. «Et nous avons bien entendu exprimé à quel point nous sommes fiers des Ukrainiens», rapporte la présidente du Conseil national à Blick. Le président est un «héros extraordinaire en ces temps de guerre» et malgré tout «un homme simple, pas du tout détaché». Pour Irène Kälin, une visite en Ukraine est le minimum que la Suisse puisse faire actuellement pour exprimer son soutien. Elle a également appelé le président de la Confédération et ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis à se rendre dans le pays. «J’ai trouvé extrêmement précieux de m’entretenir avec le président du parlement ukrainien, et je pense qu’il serait également précieux pour notre ministre des affaires étrangères de rencontrer son homologue en Ukraine.»
L’ambassadeur Claude Wild se dit heureux que la Verte a pris cette décision. Il estime que c’est un signe important pour les Ukrainiens que la première citoyenne suisse se rende sur place «pour se faire une idée des souffrances» qui ont déjà poussé 42’000 Ukrainiens à fuir dans notre pays.
Des chars brûlés au bord de la route
Avant de se rendre auprès du pouvoir politique, Irène Kälin et ses accompagnants ont été conduits avec deux autres délégations étrangères à Hostomel, dans la banlieue de Kiev. «Sur le chemin, nous avons vu d’innombrables chars brûlés et des camions détruits, raconte le conseiller national Roger Nordmann. On nous a dit qu’il y avait encore des corps dans les décombres.»
La délégation a également pu prendre la mesure de la destruction de l’aéroport d’Hostomel. De l’Antonov An-225, le plus grand avion de transport du monde, il ne reste qu’une épave carbonisée. Cette dernière est particulièrement représentative pour le président du parlement ukrainien, Ruslan Stefantschuk. Il ne s’agissait pas seulement de leur présenter l’ampleur de la destruction, «ils veulent aussi montrer la lutte héroïque que les gens ont menée ici ces deux derniers mois».
Comment se porte la population?
Ici, au centre de l’Ukraine, l’état d’urgence a – pour l’instant – fait place à un quotidien de guerre surréaliste pour les visiteurs. Les gens font la queue devant les cafés, tandis qu’à quelques pas de là se trouve une maison bombardée. Dans le centre-ville de Kiev, les gens font leur jogging devant des soldats en patrouille. Dans les couloirs du bâtiment du Parlement, les Suisses passent devant des murs de protection faits de sacs de sable, tandis qu’à l’extérieur, des jeunes gens sont assis au soleil et mangent des pizzas.
Comment se portent ces Ukrainiens qui sont restés dans leur pays malgré la guerre? Irène Kälin et ses collègues n’ont pas eu le temps de s’entretenir avec la population lors de leur court voyage en Ukraine. Le timing était trop serré. Moins de douze heures après leur arrivée à la gare de Kiev, la délégation suisse était de nouveau sur le quai. Elle attendait le train de nuit pour rentrer en Pologne.
(Adaptation par Thibault Gilgen)