Ignazio Cassis a fini ce mardi à Paris son année ukrainienne sur une promesse ferme: «La Suisse sera au rendez-vous de la reconstruction de l’Ukraine. Nous avons fait le premier pas à Lugano, en juillet. Nous savons que les montants nécessaires sont déjà énormes, entre 600 et mille milliards d’euros. Nous avons bien conscience, aussi, que ce chiffre augmente chaque jour au fil des destructions. Nous répondrons à ces demandes avec nos partenaires de l’Union européenne et du G7.»
1,3 milliard de francs déjà débloqué
À cette promesse s’ajoutent des chiffres. Ignazio Cassis les a donnés lors de son intervention au début de cette nouvelle conférence sur la reconstruction du pays plongé dans la guerre depuis l’invasion russe du 24 février. À ce jour, la Confédération a déjà dépensé 1,3 milliard de francs pour l’Ukraine. Un milliard pour venir en aide aux 70'000 réfugiés ukrainiens accueillis sur le territoire helvétique, dont 80% de femmes et d’enfants. Plus 205 millions de francs sous forme d’aide humanitaire, y compris l’acheminement sur place de générateurs et de techniciens pour réparer le réseau électrique endommagé par les bombardements russes. Un montant évidemment modeste comparé aux besoins totaux.
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Pour fonctionner, l’État ukrainien a besoin de 4 milliards d’euros d’aide par mois. Soit 48 milliards d’euros par an. Il s’agit là, seulement, des salaires des fonctionnaires et du coût de fonctionnement de l’administration. La reconstruction des infrastructures, lorsque le conflit s’achèvera? «La première évaluation de mille milliards de dollars sera à coup sûr dépassée», admet Ignazio Cassis. Pas étonnant: d’autres sources, comme la Banque mondiale, chiffrent déjà la facture du conflit au double de cette somme, voire plus.
Une future coordination de la reconstruction va être mise en place
1,2 milliard de francs déjà déboursés par la Confédération. S’y ajoutent les 130 millions de francs récoltés par la Chaîne du Bonheur, les contributions directes des cantons et celle des fondations privées. «J’évalue cet effort-là au même montant, soit environ 300 millions», a poursuivi le chef du Département fédéral des Affaires étrangères lors d’une rencontre avec les journalistes, avant de regagner Berne. Au total: un effort de 1,6 milliard de francs a donc déjà été consenti par la population suisse et par son administration au profit de l’Ukraine.
La suite? Elle dépendra des évaluations de la future coordination pour la reconstruction du pays, qui sera mise en place par l’Union européenne et le G7, sans doute à Bruxelles. Avec un bureau à Kiev. La Suisse y sera représentée par un diplomate. Après cette conférence de Paris, le prochain rendez-vous est fixé à Londres, en juin 2023. Le volet économique à long terme sera alors à l’agenda: «Il y a trois volets d’action aujourd’hui en Ukraine, explique Ignazio Cassis. Le volet militaire, auquel la Suisse ne participe pas en raison de sa neutralité. Le volet humanitaire, dans lequel nous sommes pleinement engagés. Et le volet économique, qui impliquera des acteurs privés. Pour l’heure, il est encore trop tôt pour y voir clair de ce côté-là».
Quatre milliards d’euros par mois pour faire vivre l’État ukrainien
La facture de 4 milliards d’euros par mois présentée par le gouvernement ukrainien sera, selon le président de la Confédération, assumée par l’Union européenne à hauteur de 1,5 milliard mensuel. Les pays non européens du G7, dont les États-Unis, devraient compléter l’addition, même si le montant formel de la contribution américaine n’est pas encore clair. Washington a, depuis l’invasion du 24 février, consenti environ 20 milliards de dollars d’aide civile et militaire à l’Ukraine. La dernière tranche de 400 millions a été débloquée le 11 novembre. Ignazio Cassis a confirmé qu’un «hub» humanitaire et logistique va être mis en place par les Européens et leurs partenaires à la frontière polonaise.
Un mot est revenu lors de cette conférence sur la reconstruction, et dans les explications d’Ignazio Cassis: la corruption. «J’ai dit aux Ukrainiens que notre confiance ne s’achète pas, a-t-il déclaré. Nous donnons de l’argent dans l’urgence, mais notre confiance se gagnera par les réformes et notamment par la lutte contre la corruption. Il est clair qu’il n'y aura pas, en Ukraine, de reconstruction sans réformes.» Cette même formule avait été prononcée lors de la conférence sur la reconstruction de l’Ukraine à Lugano, en juillet.
Pas d’aide budgétaire directe suisse à l’Ukraine
Depuis? Les nécessités de la guerre et l’urgence ont fait loi. Mais la conditionnalité doit rester la règle, selon Ignazio Cassis. «La Suisse ne fait pas d’aide budgétaire directe à l’Ukraine. Nous financerons des projets et nous aiderons de notre mieux les entreprises suisses à s’impliquer, a-t-il poursuivi. Tout ce qui peut concourir à limiter la corruption, comme la numérisation des services publics, doit être privilégié.»
Au final? Une facture assurée de s’alourdir pour la Confédération, qui vient d’approuver le huitième train de sanctions européennes, y compris le plafonnement du prix du pétrole russe. «Il est clair que notre engagement financier envers l’Ukraine, à terme, sera plus proche du mot milliard que du mot millions», a conclu Ignazio Cassis.