En pleine pandémie
Manquements en cascade lors de l'achat de masques de mauvaise qualité

Le chaos autour de l'acquisition de masques douteux en pleine pandémie pourrait avoir des conséquences importantes pour l'armée et deux anciens cadres du Département de la défense: l'enquête du Ministère public de la Confédération met en lumière de graves manquements.
Publié: 15.06.2022 à 17:27 heures
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Dernière mise à jour: 15.06.2022 à 17:28 heures
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Au début de la pandémie, la pharmacie de l'armée a acheté des masques de mauvaise qualité.
Photo: Helena Schmid
Daniel Ballmer

Les reproches émis par Ministère public de la Confédération (MPC) sont sévères. Pour la première fois, il rend publics les points basés sur une enquête contre deux anciens cadres du Département de la défense (DDPS) notamment. On parle de potentielle corruption, de faux dans les titres, d'abus de pouvoir et de favoritisme...

Rembobinons. En 2020, soit en pleine pandémie, la Confédération avait acheté 300 millions de masques et autres FFP2 à des prix parfois exorbitants. La pharmacie de l'armée avait déboursé jusqu'à 9,90 francs l'unité pour un masque et ce, malgré le fait que la qualité des articles pouvait laisser à désirer. La procédure pénale lancée il y a plus d'un an est toujours en cours.

Masques rappelés seulement des mois plus tard

L'enquête nous apprend que le DDPS aurait menti sur les prix et la qualité des masques. Sans oublier que les masques défectueux auraient été rappelés trop tard. Finalement, aucun remboursement n'aurait été réclamé à la suite de ces constatations.

Les masques en question venaient de l'entreprise zougoise Emix. La société a livré des centaines de milliers de masques à la Confédération. Il s'agissait plus précisément de masques FFP2 de type Chemi Pharma en provenance d'Égypte. Ce sont plus de 6 millions de francs qui ont été dépensé par la Confédération. À noter que Berne a également payé un million supplémentaire pour l'acquisition de 110'000 masques de type Yuenfong. Ce n'est qu'après la livraison qu'on a remarqué leur médiocre qualité. Un rapport de contrôle du Laboratoire de Spiez datant d'avril 2020 a démontré que les masques n'ont été rappelés que plusieurs mois plus tard.

Vives critiques d'une commission parlementaire

En février, la commission de gestion du Conseil national (CdG) a également constaté que le DDPS avait commis des erreurs grossières. Le Conseil fédéral et le DDPS n'auraient pas mis suffisamment de ressources à la disposition de la pharmacie de l'armée, raison pour laquelle les contrôles de qualité auraient été négligés. L'armée n'a donc pas eu la possibilité de faire des réclamations auprès des fournisseurs et, le cas échéant, de résilier les contrats.

La CdG a également remis en question les prix négociés. La commission critique la décision du DDPS, qui était arrivé à la conclusion qu'il s'agissait de prix conformes au marché. Sauf qu'apparemment, il n'y a eu strictement aucune comparaison avec d'autres offres.

Lacunes reconnues du bout des lèvres

De plus, le DDPS aurait manqué de transparence. Il est «regrettable que le DDPS n'ait reconnu les lacunes dans les contrôles de qualité des masques, et leurs conséquences que pouvaient en découler, qu'après avoir été sollicité à plusieurs reprises», précise l'enquête.

Le Conseil fédéral entend désormais examiner une proposition de la CdG concernant la création d'un service accrédité de contrôle de la qualité des masques. Toutefois, le gouvernement a souligné que les conditions en pleine pandémie était difficiles, ce qui pourrait expliquer certaines décisions.

On ne sait pas encore si, dans la continuité de cette procédure, le Ministère public de la Confédération déposera une plainte.

(Adaptation par Valentina San Martin)

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