A 38 ans, le Genevois Ilan ne croit plus trop en notre système. C’est la raison pour laquelle il «se tâte» à devenir membre du nouveau parti genevois Civis, en triturant sa raclette à leur soirée de soutien. «Genève est une ville pleine de potentiel. Malheureusement, les classes politiques sont assises dessus, avance l’archiviste, l’air blasé. J’ai l’impression qu’ils ne s’intéressent plus à nos problèmes concrets, qu’ils n’ont plus les pieds sur terre.»
J’ai bravé les premières pluies automnales, le jeudi 15 septembre, pour me rendre à la sauterie du nouveau parti politique genevois Civis, sous une bâtisse aménagée, dans la campagne, à Bardonnex. À sa tête, l’ancien conseiller national PDC Luc Barthassat, qui retente ainsi sa chance après deux échecs personnels successifs: au conseil d’Etat en 2018 et au conseil administratif de la ville de Genève en 2020.
Chez Civis, ils ne sont ni de gauche, ni de droite, ni même du centre – de ce qu’ils disent. Leur grand combat? Faire participer à la politique locale celles et ceux qui ne votent plus parce qu’ils «n’y croient plus». Un verre de rosé à la main, du mépris pour l’establishment politique genevois en bouche, les quelques membres s’apprêtent à partir à l’assaut des élections cantonales genevoises de 2023.
SOS démocratie directe?
Civis se décrit comme «participatif et populaire» avant tout. Le parti veut «ramener l’église au milieu du village, et redescendre à la base», comme le scande Luc Barthassat pendant la partie officielle. Le public hoche la tête entre deux bouchées de fromages ou de saucisson. Concrètement, Civis dit vouloir créer des groupes de travail citoyens – des «forums» par quartiers – pour réfléchir à des problématiques liées à la politique cantonale, et suggérer des solutions de la manière la plus directe possible.
L’ingénieur Laurent fait partie du comité. Auparavant, il était au Mouvement citoyen genevois (McG): pas convaincu. Trop de rhétorique et pas assez de résultats, pour ce quinquagénaire. Ce soir, c’est lui qui est de service au bar. Sa politique, il l’aime pragmatique et concrète.
Accoudé au comptoir, il m’explique ce qu’il entend par-là: «Nous voulons créer des forums où les gens viendraient simplement débattre. A l’issue de ces débats, nous pourrions amener des propositions citoyennes plus haut, directement au conseil d’Etat.» Laurent aussi se dit déçu par les élus du canton: «Les gauchistes sont obnubilés par le fait de taxer les riches, les droitistes sont obnubilés par le fait de garder les riches chez nous aux dépens du social, par exemple», ne se reconnaissant pas non plus dans l’actuel centre, trop «flottant».
Quand le populisme s’assume
Je n’avais pas vu de chanteurs «de fond de salle» en chapeaux de cowboys fouler une scène en bois (qui ressemble à une ancienne écurie) plantée sous une bâtisse au milieu des champs, à l’occasion d’un meeting politique, depuis longtemps (voir jamais?). Ici, un certain «populaire» est couvé, assumé, brandi.
Les membres du parti parlent volontiers de redistribution. Ou encore d’un renforcement du social, mais de façon «ciblée», avec notamment une plus grande implication des communes – ce qui permettrait, selon eux, davantage d’aides au cas par cas. Attablés, certains entonnent des refrains de vieux morceaux rock bien connus. Pendant que d’autres fustigent les «boursicoteurs qui ne paient pas de taxes».
Civis, n’est-ce pas simplement un parti populiste? Le trentenaire Ilan hésite, puis rétorque: «Peut-être un petit peu. Mais je ne vois pas le populisme comme quelque chose de forcément mauvais, selon la définition qu’on lui donne.»