Ce que San Francisco est aujourd'hui, Zurich l'était au milieu des années 1990: une jolie ville avec un problème de drogue massif. Tout comme c'est actuellement le cas dans la métropole californienne, des milliers de toxicomanes vivaient autrefois dans le centre-ville de Zurich. La capitale économique suisse a résolu le problème entre autres avec des «Fixerstübli» (locaux d'injection), dans lesquels on peut consommer sa dose dans un environnement protégé: avec des seringues propres et une assistance médicale.
À lire aussi
La municipalité de San Francisco connaît le modèle zurichois. Depuis 2003, il existe même un jumelage entre les deux villes. Dans un accord de 2018, l'idée de centres de distribution de drogue contrôlés est d'ailleurs très concrètement mentionnée. Mais pourquoi San Francisco ne copie-t-elle pas le modèle suisse et ne sauve-t-elle pas chaque année des centaines de personnes droguées de la mort?
Ce que les responsables américains n'ont pas compris
JJ Smith, ex-trafiquant de drogue et aujourd'hui travailleur social engagé dans le quartier de Tenderloin, réagit à cette question par un rire las. «Les points de distribution contrôlés n'ont jamais fonctionné ici. Les collaborateurs dealeraient la substance, les toxicomanes voleraient.» Il manquerait tout simplement les dispositifs de protection nécessaires pour qu'une telle tentative puisse réussir, ne serait-ce qu'un peu. «La situation est bien trop désespérée pour de telles expériences», affirme JJ Smith.
En 2022, San Francisco a fait un premier pas en mettant en place le «Tenderloin Linkage Center», un centre d'accueil pour toxicomanes qui faisait aussi office, officieusement, de centre de distribution de drogue surveillé. Le projet a pris fin au bout de onze mois. Au niveau national, de tels centres de distribution sont interdits par la loi aux États-Unis. Et le chef du gouvernement californien, Gavin Newsom, a interdit la réouverture de locaux d'injection similaires dans son État.
Tom Wolf, ancien toxicomane dans la rue et aujourd'hui expert en fentanyl à San Francisco, ne pense pas que sa ville natale soit un jour en mesure de suivre la voie zurichoise. «Les responsables ici n'ont pas compris qu'en Suisse, vous n'avez pas seulement libéralisé la distribution de drogue, mais que vous avez accompagné le tout d'interventions policières musclées et de directives strictes.» Car en termes de libéralisation, les autorités de San Francisco sont toujours prêtes. Mais «dès qu'il s'agit de l'augmentation nécessaire des effectifs de police et du durcissement des peines en cas d'infraction, elles ferment les yeux».
Mais Tom Wolf ne se contente pas de critiquer sa propre municipalité. Il met en garde la Suisse: «Vous n'êtes pas à l'abri d'une catastrophe liée au fentanyl. Préparez-vous à ce que cela arrive. Le problème va bientôt frapper à vos portes aussi.»
Le fentanyl de plus en plus commun en Suisse
L'héroïne, fabriquée à partir de pavot afghan, pourrait bientôt devenir une denrée rare en Suisse, après que les talibans au pouvoir ont interdit la culture du pavot à opium en 2022. Le fentanyl, répandu depuis longtemps à San Francisco, pourrait le remplacer.
Selon le centre d'information sur les drogues de la ville de Zurich, la Suisse connaît une augmentation rapide des opioïdes synthétiques comme le fentanyl, depuis 2021. Il est difficile de dire à quel point cette drogue dangereuse est déjà répandue dans le pays. Mais selon une enquête du «Beobachter», les villes de Zurich et de Bâle travaillent déjà sur des concepts permettant de lutter préventivement contre une éventuelle crise du fentanyl. Elles ont ainsi une longueur d'avance sur San Francisco.