Des cris déchirent le calme apparent des alentours de Malley Lumières. Un jeune homme, la vingtaine, remonte en pleurs depuis les débris accompagné d'une femme en soutien psychologique. Une adolescente le suit, elle aussi en pleurs, avec un petit groupe de policiers. Les rares personnes encore sur place observent la scène, dans un silence de mort.
Il est 15h30, en ce vendredi 12 juillet. Peu après 9h, ce matin-là à Prilly (VD), l'échafaudage se trouvant sur la façade nord du futur bâtiment «Malley Phare» s'est écroulé, faisant plusieurs blessés... et au moins trois morts.
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Regards inquiets vers une façade vide
Blick se trouve sur l'esplanade de la Vaudoise aréna depuis midi. Des dizaines de regards, tournés dans la même direction: celle du grand vide laissé par l'échafaudage sur la façade du bâtiment. Voilà la vision qu'offrent les alentours.
Des proches, des riverains et des ouvriers. Certains bossent sur ce chantier, d'autres sont venus de chantiers voisins sur leur pause de midi. Au pied du futur «Malley Phare», la structure métallique est réduite en un amas difforme.
La plupart des ouvriers se montrent réticents à parler à la presse, de peur de mettre leur emploi en danger. Tous évoquent les risques qui rythment le quotidien de leur profession.
«Sécurité catastrophique» sur les chantiers
Daniel*, la musculature débordant de son t-shirt de travail, vient d'un autre chantier des environs. «En général, la sécurité sur les chantiers est catastrophique. Les employeurs mettent la vie des ouvriers en danger, en plus de les faire stresser.»
Il met la faute en particulier sur l'assurance chargée de prévenir les accidents sur les chantiers: «Quand ils doivent être sur de gros chantiers comme celui-ci, ils ne sont pas là. Ils préfèrent aller traquer les employés pas déclarés sur des petits chantiers. Mais c'est là qu'ils devraient venir regarder les échafaudages.»
Les proches retiennent leur souffle
Les minutes passent, les recherches continuent et l'inquiétude grimpe. Peu après 13h00, deux jeunes, une femme et un homme, arrivent sur le petit carré de l'esplanade de la Vaudoise aréna destiné aux journalistes. Leur regard fuit incessamment vers la façade débarrassée de son échafaudage.
Ils se renseignent auprès d'un groupe d'ouvriers présents. Un de leurs proches travaille sur le chantier. «Il y a eu deux morts», apprend le duo. C'est le choc, la jeune adulte se couvre la bouche, des larmes montent.
«C'étaient des temporaires, je crois», lâche un des ouvriers. Moment de soulagement... Leur proche n'est pas de ceux-là. Les deux jeunes gens se dirigent en vitesse vers la zone de soutien psychologique, dans le bâtiment de la patinoire.
Un oncle manque à l'appel
Les informations arrivent au compte-goutte. Il y aurait encore plusieurs personnes sous les débris de l'échafaudage. Plus le temps passe, plus les chances de survie s'amenuisent.
Almeida* revient de la zone inaccessible à la presse, l'air perplexe derrière ses lunettes de soleil. Elle ne le savait pas, mais son oncle travaillait sur le chantier de Prilly ce jour-là: «Ma tante, qui habite Genève, m'a demandé de venir.» La jeune femme a quitté son travail pour se rendre sur place.
«À l'intérieur, la police n'a pas pu me donner de nouvelles, raconte Almeida. Je n'ai pas très envie de m'approcher des lieux de l'accident… J'ai la gorge nouée.» Elle s'interrompt, entendant les cris.
Peu après, la police demande de quitter les lieux, par respect pour les familles. Les dernières informations de 16h15 — données par le porte-parole de la police Jean-Christophe Sauterel — portent le bilan à 3 morts. Seul l'une des victimes a pu être identifiée. Deux personnes restent portées disparues. Des orages éclatent dans le ciel, la pluie s'abat sur les décombres.
*Noms d'emprunt