Se faire siffler, mater, insulter, suivre, menacer, agresser sexuellement ou tomber sur des exhibitionnistes: nombre de femmes doivent affronter de telles situations au quotidien en Suisse romande. Et parfois, il s'agit de très jeunes femmes, déjà.
Publiés le 23 novembre, les derniers chiffres de l’association Eyes Up — dont l’application du même nom, lancée en 2019, permet aux personnes visées comme aux témoins de signaler anonymement les cas — interpellent. Onze pour cent des cibles de harcèlement sexuel ont moins de 13 ans, souligne le rapport biennal 2020-2022.
«Cela montre que toutes les tranches d’âges sont touchées, mais surtout qu’une part importante des personnes touchées sont des jeunes filles, des enfants», appuie au bout du fil Léonore Porchet, présidente de ce collectif composé de huit bénévoles. La majorité des signalements émane toutefois de personnes ayant entre 20 et 29 ans.
«Salut ma jolie»
De 2020 à 2022, 945 alertes ont été répertoriées. L’équivalent de 1,3 dénonciation par jour. Dix-neuf fois sur 20, les victimes présumées sont des femmes. Faits les plus fréquemment déplorés: être regardée comme un bout de viande, invectivée par des «salut ma jolie» ou recevoir des commentaires d’ordre sexuel.
Parmi les auteurs, 98% sont des hommes. Selon les descriptions des utilisatrices, ces derniers ont généralement plus de 30 ans (63%), voire plus de 50 (19%). Les agresseurs présumés seraient donc souvent plus âgés que leurs proies.
Autre statistique marquante, autre fossé de genre. Près de trois quarts (73%) des témoins qui se manifestent via l’application (téléchargée 2719 fois au cours des deux dernières années) sont des femmes.
Appel à un durcissement de la loi
Début novembre, dans le cadre du lancement de sa campagne de sensibilisation «Objectif zéro sexisme dans ma ville», la Ville de Genève répertoriait plusieurs données clés, quantitativement représentatives, au contraire de celles d’Eyes Up. Par exemple, selon un document de 2020, 71,7% des citoyennes du bout du Léman âgées de 15 à 34 ans avaient été harcelées dans l’espace public au cours des cinq dernières années. Les chiffres en provenance de Fribourg et de Lausanne sont similaires.
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«Face à ce fléau qui ne diminue pas, l’association [Eyes Up] insiste sur la responsabilité des autorités politiques dans l’adoption de législations efficaces […], note le communiqué de presse. Au niveau légal, Eyes Up rappelle que le harcèlement sexuel n’est toujours pas considéré comme un délit propre dans le Code pénal suisse.» Le Conseil national devrait voter sur l'intégration d'une norme contre le harcèlement sexuel le 5 décembre.
Enseigner le consentement à l’école?
Pourquoi ne pas demander de lourdes peines pour les harceleurs? «Nous voulons que les auteurs puissent être condamnés, ce qui n’est pas le cas actuellement, amorce Léonore Porchet, également conseillère nationale des Vert-e-s. Mais nous savons aussi que la lourdeur des peines n’a pas valeur de prévention ni de réparation pour les victimes.»
«À ce stade, on ne peut plus fermer les yeux, martèle la Lausannoise. Comme le montrent de nombreuses études, le harcèlement de rue peut avoir un impact très fort sur le développement des jeunes femmes.» Par exemple? «Cela influence la manière dont on se perçoit, génère la honte de son propre corps et peut aller jusqu’à déclencher des troubles alimentaires, du sommeil ou psychosociaux.»
Eyes Up recommande aussi de faire de la prévention dès le plus jeune âge. Comment? En incluant la thématique «dans le Plan d’études romand, ainsi que dans les structures éducatives sous la responsabilité des communes, en particulier les activités para- et périscolaires, au travers de programmes éducatifs interactifs adaptés en fonction de l’âge. En particulier, les cours d’éducation sexuelle devraient former les élèves à la notion de consentement.»