Surnommé «seul un oui est un oui», ce texte, qui porte officiellement le titre de «loi de garantie intégrale de la liberté sexuelle», a été approuvé définitivement jeudi par les députés par 205 contre 141 (et trois abstentions). Le texte avait été approuvé par la chambre basse du Parlement en première lecture en mai, mais le Sénat avait introduit en juillet une modification qui a rendu nécessaire un nouveau vote des députés.
Réformant le Code pénal, il fait du «consentement» un élément central devant être «manifesté librement par des actes qui […] expriment de manière claire la volonté de la personne».
Consentement est l’élément central
«Notre pays inscrit enfin dans sa loi que le consentement doit être l’élément central de nos relations sexuelles. Les femmes n’auront plus à démontrer qu’il y a eu violence ou intimidation lors d’une agression pour que cela soit reconnu comme une agression sexuelle», s’est réjouie la ministre de l’Egalité, Irene Montero, du parti de gauche radicale Podemos, allié minoritaire des socialistes au gouvernement.
Jusqu’ici, la notion de violence ou d’intimidation était nécessaire pour qualifier un viol.
Cette question avait été au cœur de l’affaire dite de «la Meute», le viol collectif en 2016 d’une jeune femme de 18 ans lors des fêtes de la San Fermin à Pampelune (nord) par cinq hommes qui avaient filmé leurs actes et s’en étaient vantés sur un groupe de messagerie. Ils avaient été condamnés en 2018 à neuf ans de prison, non pour viol, mais pour «abus sexuel».
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L’abus sexuel devient un crime
Défini par l’absence de violence ou d’intimidation, l’abus sexuel est un délit, et non pas un crime, et entraînait donc des peines moins lourdes. Cette situation disparaît avec la nouvelle loi.
A l’époque du procès, la sentence avait fait descendre dans la rue des dizaines de milliers de femmes à travers l’Espagne, aux cris de «moi je te crois, ma sœur», pour réclamer un durcissement du Code pénal. Face à ces réactions indignées, la Cour suprême espagnole avait finalement requalifié en juin 2019 les faits en «viol en réunion» et durci les peines pour les porter à 15 ans de prison.
Le gouvernement du socialiste Pedro Sánchez avait, pour sa part, promis de faire adopter une loi sur le consentement explicite dès son arrivée au pouvoir en juin 2018. Cette loi cible, par ailleurs, encore plus le harcèlement de rue, développe l’éducation affective et sexuelle à l’école et renforce l’attention aux victimes de violences sexuelles et leur indemnisation.
Consentement explicite encore rare
Sur la question du consentement, le gouvernement a indiqué s’être inspiré directement de la Convention d’Istanbul du Conseil de l’Europe, un traité international adopté en 2011 et établissant des règles pour lutter contre les violences sexistes. La ministre de l’Egalité a aussi indiqué que l’Espagne avait été influencée par une loi suédoise qui considère depuis 2018 comme viol tout acte sexuel sans accord explicite.
En Europe, la notion de consentement explicite reste minoritaire. Selon une étude d’Amnesty international datant de fin 2020, 12 pays européens – dont la Belgique, le Danemark, la Suède et le Royaume-Uni – sur les 31 analysés par l’ONG définissaient alors le viol à partir de l’absence de consentement, au-delà de la coercition ou de la vulnérabilité.
L’Allemagne a également renforcé sa législation
Parmi ces pays, l’Allemagne a renforcé sa législation en 2017 pour faire de l’absence de consentement l’unique critère pour définir un viol. En France, une loi visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste a fixé l’an dernier le seuil de consentement à 15 ans, et 18 ans en cas d’inceste.
En Suisse aussi, la notion de consentement fait aussi débat sous la Coupole fédérale. En juin, le Conseil des Etats a préféré la version «non, c’est non» à «oui, c’est oui», dans le cadre de la révision du code pénal, notamment en matière d’infractions sexuelles.
L’Espagne fait figure de référence dans le domaine de la lutte contre les violences sexuelles depuis une loi pionnière de 2004 ayant notamment introduit la différence de genre comme circonstance aggravante des violences.
(ATS)