Cinq jours après le départ du port ukrainien d’Odessa du premier chargement de céréales depuis le début de l’invasion russe le 24 février, trois nouveaux chargements de céréales ont quitté l’Ukraine en convoi, entamant une série de rotations régulières pour ravitailler les marchés agricoles, a annoncé le ministère turc de la Défense.
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Les trois bâtiments, chargés de maïs, desserviront l’Irlande, l’Angleterre et la Turquie, a précisé le ministère dans un communiqué. Simultanément un cargo fait route vers le port de Tchernomorsk pour y charger des céréales, indique le ministère.
Tous progressent sous l’oeil du Centre de coordination conjointe (CCC) établi à Istanbul aux termes de l’accord international signé à Istanbul le 22 juillet.
Grâce à deux accords
La Russie et l’Ukraine ont signé deux accords séparés, validés par la Turquie et les Nations unies, qui permettent les exportations de céréales ukrainiennes bloquées par la guerre depuis le 24 février et celles de produits agricoles russes malgré les sanctions occidentales.
Ces deux accords doivent permettre d’atténuer la crise alimentaire mondiale qui a vu les prix monter en flèche dans certains des pays les plus pauvres en raison du blocage des ports ukrainiens.
En accueillant son homologue Recep Tayyip Erdogan à Sotchi, dans le sud de la Russie, le maître du Kremlin a remercié le président turc pour ses efforts qui ont permis de trouver un accord entre Moscou et l’Ukraine sur les livraisons des céréales ukrainiennes en provenance des ports ukrainiens de la mer Noire.
Les projecteurs sur la Turquie
«Grâce à votre participation directe et à la médiation du secrétariat de l’ONU, le problème lié aux livraisons des céréales ukrainiennes en provenance des ports de la mer Noire a été réglé. Les livraisons ont déjà commencé, et je voudrais vous en remercier», a-t-il indiqué.
Il a également souligné le rôle d’Ankara dans le transit du gaz russe vers l’Europe, via le gazoduc TurkStream. «Les partenaires européens doivent être reconnaissants envers la Turquie parce qu’elle assure le transit ininterrompu du gaz russe», a dit Vladimir Poutine.
Un rapport inquiétant d’Amnesty International
Mais les progrès concernant les exportations de céréales sont en partie éclipsés par un rapport d’Amnesty International accusant Kiev de mettre en danger la vie des civils.
Dans ce document publié jeudi après une enquête de quatre mois, Amnesty International a accusé l’armée ukrainienne d’établir des bases militaires dans des écoles et des hôpitaux et de lancer des attaques depuis des zones peuplées, une tactique qui viole selon elle le droit humanitaire international.
«Le fait de se trouver dans une position de défense ne dispense pas l’armée ukrainienne de respecter le droit international humanitaire», a déclaré vendredi Agnès Callamard, la secrétaire générale de l’ONG qui maintient pleinement son rapport.
Zelensky voit rouge
Le président Zelensky avait vivement réagi jeudi soir, dans sa déclaration vidéo quotidienne, en accusant l’ONG de «tenter d’amnistier l’Etat terroriste» de Russie et de «transférer la responsabilité de l’agresseur à la victime».
«L’agression contre notre Etat est injustifiée, invasive et terroriste. Si quelqu’un rédige un rapport dans lequel la victime et l’agresseur sont d’une certaine manière mis sur un pied d’égalité, si certaines données sur la victime sont analysées et que les actions de l’agresseur sont ignorées, cela ne peut être toléré», a ajouté M. Zelensky.
Le chef de la diplomatie ukrainienne, Dmytro Kouleba, s’était également dit «indigné» par les accusations «injustes» d’Amnesty International qui, selon lui, crée «un faux équilibre entre l’oppresseur et la victime, entre le pays qui détruit des centaines et des milliers de civils, de villes, de territoires et le pays qui se défend désespérément».
Amnesty International a toutefois, dans son rapport, insisté sur le fait que les tactiques ukrainiennes ne «justifient en aucun cas les attaques russes aveugles» qui ont frappé les populations civiles.
Les civils, premières victimes
Sur le terrain, des bombardements russes ont visé jeudi plusieurs autres villes et villages ukrainiens, dont Mykolaïv, dans le Sud, où des immeubles d’habitations ont été endommagés dans deux quartiers, selon le maire Oleksandre Senkevitch.
Huit personnes ont été tuées et quatre blessées jeudi par une frappe russe ayant touché un arrêt de bus à Toretsk, près de la ligne de front dans l’est de l’Ukraine, a annoncé le gouverneur régional.
A Kharkiv, la deuxième ville du pays, les autorités locales ont rapporté jeudi des attaques de missiles russes ayant frappé des zones industrielles.
Les forces ukrainiennes mènent de leur côté une contre-offensive dans le sud du pays, où elles affirment avoir repris plus de 50 villages contrôlés par Moscou.
Kiev appuyée… À coups d’armes
Plusieurs Etats membres de l’Union européenne et de l’OTAN fournissent à Kiev des armes sophistiquées pour l’aider à se défendre, et Bruxelles a adopté une série de sanctions.
Le Conseil européen a indiqué jeudi soir dans un communiqué avoir ajouté l’ancien président ukrainien pro-russe Viktor Ianoukovitch (2010-2014) et son fils à la liste de personnalités visées par les sanctions européennes pour leur rôle présumé dans la menace sécuritaire à l’égard de l’Ukraine.
Viktor Ianoukovitch avait été renversé par un soulèvement populaire contre le virage pro-russe pris par son gouvernement. A la suite de sa défaite, Moscou s’était emparé de la péninsule ukrainienne de Crimée et d’une enclave dans la région orientale de Donbass.
Le gaz? Se préparer «au scénario du pire»
Conséquence des sanctions, la réduction de 15% de la consommation de gaz au sein de l’UE entrera en vigueur «au début de la semaine prochaine» pour pallier la réduction des livraisons russes, a annoncé vendredi la présidence tchèque du Conseil de l’UE.
La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a appelé les États membres à se «préparer au scénario du pire» d’une cessation des livraisons de gaz par la Russie.
En cas de «risque de grave pénurie», un mécanisme d’alerte rendra «contraignante» pour les Vingt-Sept la réduction de 15%, mais cet objectif sera adapté aux réalités de chaque Etat, notamment aux capacités d’exporter les quantités de gaz économisées aux pays dans le besoin, grâce à une série de dérogations. Les Etats membres doivent par ailleurs reconstituer leurs stocks avant l’hiver.
Le porte-parole de l’exécutif européen Eric Mamer estimant en outre que les arguments de Gazprom sur l’impossibilité de livrer par Nord Stream 1 à cause des sanctions européennes sont «une excuse pour ne pas fournir du gaz à l’Union européenne», a-t-il affirmé vendredi.
«Rien n’empêche la restitution et l’installation d’une turbine Siemens en Russie. Tout ce qui est dit sur la question est faux», a-t-il soutenu.
(ATS)