La cour d'appel de Paris a ordonné jeudi le blocage de plusieurs sites pornographiques extra-européens en raison de l'absence de contrôle de l'âge des utilisateurs, mais a accordé un sursis aux plateformes hébergées dans l'Union européenne.
Saisie par deux associations de protection de l'enfance, la juridiction a réclamé le blocage de certains sites «jusqu'à ce que soit démontrée la mise en oeuvre par ces derniers d'un contrôle autre que purement déclaratif de ce que les utilisateurs sont majeurs», a-t-elle précisé dans un communiqué.
La justice enjoint ainsi aux fournisseurs d'accès internet de procéder au blocage des sites XHamster, Tukif, Mrsexe, Iciporno «dans un délai de quinze jours», selon l'arrêt.
La loi sur les violences conjugales de 2020 stipule que les sites pornos doivent vérifier que les mineurs n'accèdent pas à leurs contenus et ne pas se contenter d'une simple déclaration de majorité. Mais les sites pornographiques multiplient depuis des années les procédures en justice pour éviter son application.
Dans un arrêt rendu jeudi, la Cour d'appel considère que «l'intérêt supérieur de l'enfant» est une «considération primordiale» qui justifie de porter atteinte à «d'autres droits tels que la liberté d'expression».
«Privilégier la protection de la vie privée des consommateurs majeurs» est «incompatible avec le droit des mineurs à être protégés de l'accès» à «des contenus inappropriés à leur âge, susceptibles de mettre en péril leur construction intime, de contribuer à des phénomènes addictifs et de favoriser la diffusion d'une image inexacte et dégradée de la sexualité», écrit la Cour.
2,3 millions de mineurs ont régulièrement accès à ces sites
Selon le régulateur français de l'audiovisuel, 2,3 millions de mineurs visitent chaque mois des sites pornographiques. Dès 12 ans, plus de la moitié des garçons utilisant internet se rendent en moyenne chaque mois sur ces sites.
Toutefois, pour d'autres sites hébergés dans l'UE, Pornhub, Youporn, Redtube, Xvideos et Xnxx, la justice française attendra une réponse de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) pour rendre sa décision.
Trois éditeurs de sites, établis à Chypre et en République Tchèque, sont intervenus devant la cour d'appel, soutenant que le blocage demandé «constituerait une mesure de restriction prohibée par le principe de libre circulation des services de l'information» dans l'UE, indique le communiqué.
Avec le blocage de quatre sites, e-Enfance s'est félicitée auprès de l'AFP d'une «première grande victoire», «une première en France voire en Europe», promettant de «continuer notre combat, même si maintenant, il est suspendu à la Cour de justice de l'Union Européenne».
Frédéric Benoist, avocat des associations «La Voix de l'enfant» et «e-Enfance», s'est toutefois dit auprès de l'AFP «déçu» par la décision, déplorant que «des sites majeurs échappent à un blocage qui devrait s'imposer».