Ce devait être le feu d’artifice d’une brillante carrière politique commencée il y a un quart de siècle. L’hagiographie absolue, célébrant trois mandats exercés au plus haut de l’Etat. Le regard fier et conquérant, en mode bad boy — même pas peur du ridicule, Georges Godel pose sur la couverture de son livre appelé pompeusement «Secrets et confidences d’un Président».
Seulement voilà, celui qui s’affuble sur papier glacé du titre «d’homme fort du Gouvernement fribourgeois» témoigne en réalité de son insigne faiblesse. Celle d’être tombé dans le piège tendu par son égo surdimensionné. Une sortie de piste autistique dont on imagine qu’elle devait avoir pour bénéfice de soigner une profonde blessure narcissique. C’est raté. Et c’est nul.
Nul car l’ouvrage sur lequel Georges Godel a passé son dernier mandat manque totalement de classe. «L’homme fort» y distribue bons et mauvais points, ces derniers étant réservés à ses collègues féminines. Des attaques mesquines, secrètement préparées pendant quatre ans. La démarche n’amène rien. Ne sert à rien. Si ce n’est à faire du mal pour satisfaire le bien-être de l’auteur.
Nul car Georges Godel viole le secret de fonction auquel il prétendait être attaché. A peine le dos tourné, «l’homme fort» se comporte comme un gamin qui ferait un pied de nez avant de partir en courant. Une attitude qui émeut le Conseil d’Etat, comme il nous l’apprend dans un communiqué mou du genou. Et qui lui vaut une intervention du Parti socialiste devant le Grand Conseil.
Nul… et surtout non avenu. En analysant son succès par l’unique prisme des finances publiques, Georges Godel montre son absence cruelle de vision politique. Ne rien dépenser, faire œuvre d’austérité, garder ses sous, tout cela ne fait ni politique ni société. Si «l’homme fort», en réalité apôtre de l’immobilisme, avait montré ne serait-ce que deux grammes de muscles, le canton de Fribourg aurait (entre autres exemples) investi dans ses infrastructures et il n’étoufferait pas sous le trafic. Celui que même la droite appelle «Picsou» aura certes accumulé un tas d’argent, mais les Fribourgeoises et les Fribourgeois n’en voient pas la couleur, otages d’un canton qui n’a pas pris le virage du XXIe siècle.
On dit souvent de la Suisse qu’elle n’aime pas les têtes qui dépassent. C’est totalement faux. Ce qui dérange, ce sont les têtes qui sortent du lot car elles se sont hissées en prenant appui sur celles des autres. Au moment de tourner la page, Georges Godel, «l’homme fort du Gouvernement fribourgeois» pourra se targuer de son seul fait d’arme marquant: celui de la plus mauvaise sortie politique.