Vladimir Poutine n'a cessé de parler, depuis le début de son «opération spéciale» en Ukraine, de «lignes rouges» que l'Occident et l'Ukraine ne devaient pas franchir. Dès le premier jour de la guerre, le chef du Kremlin a mis en garde contre des conséquences «comme vous n'en avez jamais vu dans toute votre histoire» si l'Occident se mettait sur le chemin de la Russie. Peu de temps après, il a également brandi la menace de frappes nucléaires, affirmant que «ce n'est pas du bluff» dans un message vidéo de septembre 2022.
Dans le même discours, il a précisé qu'une attaque contre la Russie était une ligne rouge que personne ne devait franchir: «Si l'intégrité territoriale de la Russie est menacée, nous utiliserons tous les moyens à notre disposition pour protéger la Russie et notre peuple.» Cette déclaration faisait clairement référence à l'arsenal nucléaire russe.
Or, il y a deux semaines, l'impensable s'est produit: l'armée ukrainienne s'est emparée de la région russe de Koursk. La Russie a réagi en lançant de violentes attaques aériennes contre les infrastructures ukrainiennes – rien d'inédit jusqu'à présent. Les représailles nucléaires, tant redoutées, ne sont pas venues. Pourquoi?
Les «lignes rouges» ne sont-elles que du bluff?
Depuis le début de la guerre en février 2022, l'Ukraine a franchi à plusieurs reprises ce que le Kremlin considère comme «des lignes rouges»: le torpillage du navire amiral russe de la mer Noire Moskva, l'attentat sur le pont de Crimée en 2022, les attaques de drones contre le Kremlin et Moscou en 2023. Et cet été, l'Ukraine a franchi une nouvelle limite en envahissant une région frontalière de la Russie.
Cela semble à peine imaginable: l'une des plus grandes puissances nucléaires du monde est attaquée sur son propre sol. La ligne rouge ultime a été franchie. Mais où est la vengeance russe? Selon le politologue autrichien et expert de la Russie, Gerhard Mangott, l'épouvantail de l'«escalade nucléaire» n'a servi qu'à dissuader l'Ukraine et l'Occident. Que Poutine n'ait jamais eu l'intention de mettre ses menaces à exécution est secondaire; l'essentiel était de semer la peur dans les rangs occidentaux pour les empêcher d'aider l'Ukraine.
Le prétendu bluff porte ses fruits
Dans une certaine mesure, les «lignes rouges» ont effectivement influencé l'Occident. L'expert suisse de la Russie, Ulrich Schmid, explique à Blick: «Depuis 2022, nous pouvons observer en Ukraine un jeu d'annonces russes et de concessions occidentales.» Par exemple, au début de la guerre, l'Allemagne hésitait même à envoyer des casques de protection à l'Ukraine.
Aujourd'hui, l'Ukraine reçoit des avions de combat occidentaux. Et ce n'est pas tout: le président ukrainien Volodymyr Zelensky a demandé cette semaine l'autorisation d'utiliser ces armes et avions pour attaquer la Russie. Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères, a rapidement mis en garde les États-Unis mardi contre une acceptation et a même évoqué une nouvelle fois la doctrine nucléaire russe. Celle-ci autorise l'utilisation d'armes nucléaires «si l'existence même de l'État russe est menacée».
Poutine n'a pas la possibilité de recourir à l'escalade
Pour l'instant, les alliés occidentaux hésitent encore à autoriser l'utilisation de ces avions de combat contre la Russie, mais l'histoire récente montre que cette ligne rouge pourrait également être franchie un jour. Les menaces nucléaires russes semblent avoir perdu de leur efficacité, ce que l'Ukraine démontre en agissant dans la région de Koursk.
Gerhard Mangott conclut: «Je ne crois pas que la Russie s'engagera dans une escalade si cette libération d'armes est effectuée par l'Occident.» La raison à cela est surprenante: «Poutine n'avait tout simplement pas prévu que l'Occident serait si déterminé à soutenir l'Ukraine», explique-t-il. Le bluff de Poutine est donc définitivement éventé car il n'avait jamais imaginé une telle réponse. Malgré tout, Gerhard Mangott met en garde: «Ce serait une erreur fatale de l'Occident de croire qu'il n'y a pas de lignes rouges du tout.»
L'expert Ulrich Schmid soupçonne par ailleurs que les priorités de Poutine ne sont pas du tout de se venger de l'Ukraine, mais plutôt: «Il semble tout faire pour signaler à sa propre population qu'il s'agit là d'un non-événement.» Pour sauver la face devant sa population, Poutine risque donc de la perdre devant l'Ukraine et l'Occident. Mangott ajoute: «Les nouvelles menaces en cas de prétendues nouvelles lignes rouges ne sont plus prises aussi sérieusement. Cela affaiblit la crédibilité de la Russie».