Une guerre se prépare en Amérique du Sud
Le Venezuela veut annexer deux tiers de son voisin, le Guyana

En Amérique du Sud, le Venezuela est prêt à entrer en guerre contre son voisin le Guyana pour récupérer le territoire de l'Essequibo. Mais pourquoi le président Maduro prendrait-il se risque insensé? On vous explique.
Publié: 02.12.2023 à 08:08 heures
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Dernière mise à jour: 02.12.2023 à 09:08 heures
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Des personnes passent devant une fresque murale faisant campagne pour un référendum demandant aux Vénézuéliens d'envisager l'annexion de la région de l'Essequibo administrée par le Guyana voisin, à Caracas.
Photo: FEDERICO PARRA

«Le soleil du Vénézuela nait dans l'Essequibo», mais «l'Essequibo appartient au Guyana»: un différend territorial vieux de plusieurs siècles a repris de la vigueur avant un référendum de Caracas dimanche portant sur cette région riche en pétrole.

Voici quelques clés pour comprendre le conflit.

Le différend

L'Essequibo (parfois appelé Guayana Esequiba) est un territoire de 160'000 km2 sous administration du Guyana (avec une population de 125'000 personnes sur 800'000 Guyaniens en 2012). Située à l'ouest du fleuve du même nom, la région représente plus de 70% du territoire guyanien. Elle recèle des gisements pétroliers, minéraux et de riches bassins hydrographiques mais aussi les célèbres chutes de Kaieteur. On y parle anglais.

Le Guyana estime que la frontière entre les deux pays date de l'époque coloniale anglaise et que celle-ci a été entérinée en 1899 par une Cour d'arbitrage. Le pays a saisi la Cour internationale de Justice (CIJ), plus haute instance judiciaire de l'ONU, pour la faire valider.

Le Venezuela soutient que le fleuve Essequibo devrait être la frontière naturelle, comme en 1777 à l'époque de l'empire espagnol. Caracas estime que le Royaume-Uni s'est octroyé des terres vénézuéliennes au 19e siècle et que l'accord de Genève signé en 1966 avant l'indépendance du Guyana jette les bases d'un règlement négocié qui doit se poursuivre.

Dialogue de sourds

Les deux pays s'appuient sur des arguments juridiques et des cartes qu'ils estiment irréfutables. La Cour d'arbitrage de 1899 était «arrivée à une décision satisfaisant tout le monde», assure Mark Kirton, professeur guyanien. «Le Venezuela a (...) les titres de propriété qui démontrent» que la région lui appartient, affirme Luis Angarita, professeur vénézuélien, pour qui la décision de 1899 a perdu «sa légitimité».

Propagande

L'Essequibo est la «patte arrière du Rhinocéros» quand on dessine la carte du pays, apprend-on dans les écoles du Venezuela. Tous les matins, dans les casernes, on crie que «le soleil du Vénézuela nait dans l'Essequibo». Le slogan «l'Essequibo est à nous» fleurit partout, à la télévision comme sur les murs. De nombreux analystes font le parallèle avec les îles Malouines, dont la souveraineté est revendiquée par l'Argentine et le Royaume-Uni.

«Pas un brin d'herbe» ne sera cédé aux Vénézuéliens, dit un slogan guyanien qui reprend un tube des années 1970: «Quand des gens de l'extérieur parlent d'envahir, nous ne céderons pas de montagne, pas d'arbre (....), pas un brin d'herbe».

Pourquoi maintenant?

La tension entre les deux pays est montée d'un cran en août quand le Guyana a lancé des appels d'offres pour des blocs pétroliers dans la zone, déclenchant l'ire du Venezuela. Il y a «une part de politique intérieure» dans «le référendum et son «hypermédiatisation» à un an de la présidentielle vénézuélienne, mais il y a aussi une «revendication historique», selon des sources diplomatiques à l'AFP.

Zone stratégique

En octobre, le Guyana a annoncé une importante découverte de pétrole dans l'Essequibo, ajoutant aux réserves du pays au moins dix milliards de barils, ce qui les rend supérieures à celles du Koweït. Le Venezuela accuse régulièrement le président guyanien d’être inféodé aux compagnies pétrolières américaines.

En dehors du pétrole et autres richesses, Josmar Fernandez, spécialiste vénézuélienne de la résolution de conflits, estime que la «perte» de l'Essequibo prive «le Venezuela d'une sortie vers l'Atlantique».

Une guerre?

Déclarations musclées, manoeuvres militaires, construction d'une piste militaire par le Venezuela, évocation de bases américaines par le Guyana... Une escalade jusqu'à un affrontement militaire? «C'est un scenario» possible, note Mme Fernandez. «Quand on parle de territoire, on parle aussi (...) de sentiments nationalistes (...). Cependant, le Venezuela s'est caractérisé traditionnellement (...) par la négociation».

Luis Angarita écarte aussi la possibilité d'une guerre, évoquant «une diplomatie du micro» où «tout le monde veut parler plus fort». Malgré quelques déclarations fortes, le président guyanien Irfaan Ali espère que «le bon sens prévaudra».

Le référendum

Cinq questions sont posées aux Vénézuéliens pour savoir notamment s'ils sont d'accord pour ne pas reconnaître la compétence de la CIJ et pour intégrer le territoire au Venezuela. Il ne s'agit pas d'un referendum d'autodétermination car ce sont les Vénézuéliens qui se prononcent.

Le «oui» devrait l'emporter facilement. Sans aucune conséquence juridique. Mais cela renforcera la crédibilité des autorités vénézuéliennes pour réclamer le territoire au nom de «leur peuple». Pour le Guyana, le referendum est une incitation à la «violation des lois internationales».

La CIJ ordonne au Venezuela de «s'abstenir» d'agir

La plus haute juridiction de l'ONU a ordonné vendredi au Venezuela de s'abstenir de toute action qui modifierait le statu quo dans l'Essequibo, à la veille de la tenue d'un référendum sur la région du Guyana très riche en pétrole que Georgetown craint de voir annexée par son voisin.

La Cour internationale de justice (CIJ), qui siège à La Haye, a enjoint à Caracas de "s'abstenir d'entreprendre toute action qui modifierait la situation prévalant dans le territoire en litige", sans mentionner dans la mesure urgente prononcée la consultation vénézuélienne imminente.

(AFP)

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