Dans leur première interview avec des journalistes occidentaux depuis qu’ils ont pris le pouvoir en Afghanistan, les talibans ont affirmé qu’ils cherchaient un nouveau départ: «Nous voulons construire l’avenir et oublier ce qui s’est produit dans le passé», a déclaré au New York Times le porte-parole des talibans, Sabiullah Mujahid.
Celui-ci rejette certaines allégations largement répandues qui reposent sur leurs actions d’il y a vingt ans, alors qu’ils étaient au pouvoir. Les talibans ne seraient pas en train de punir leurs opposants, ni de réintroduire l’assujettissement des femmes, affirme-t-il.
Lors d’une conférence de presse mardi, il a toutefois conseillé aux femmes de rester chez elles pour l’instant, admettant ainsi qu’elles ne sont pas en sécurité en présence des forces talibanes. «Nous voulons faire en sorte que les femmes n’aient pas à s’inquiéter, a déclaré Sabiullah Mujahid, c’est pourquoi nous leur demandons de ne pas se rendre au travail avant que la situation les concernant ne se normalise.»
Les talibans exhortent les fonctionnaires à la collaboration
La situation s’est largement calmée dans le pays, à l’exception des alentours de l’aéroport de Kaboul. Les Américains effectuent leurs derniers vols d’évacuation avant que les troupes ne se retirent complètement d’ici le 31 août. Environ 500 citoyens américains tentent toujours de se rendre à l’aéroport. Selon le département d’État américain, environ 1000 Américains ont décidé de rester dans le pays. Les talibans affirment avoir fermé toutes les routes d’accès en direction de l’aéroport dans la nuit de jeudi à vendredi. Seuls les étrangers et les Afghans accompagnés d’un étranger sont autorisés à passer.
Pour l’instant, il est difficile d’estimer combien de temps l’Afghanistan restera fermé au monde. Les talibans semblent pourtant désireux de relancer le pays et son économie le plus rapidement possible. «Ne paniquez pas et reprenez le travail». Ces propos sont rapportés par Ashraf Haidari, un économiste au ministère de l’économie, à la suite d’un appel par les talibans. «Ne paniquez pas et n’essayez pas de vous cacher. Les autorités ont besoin de votre expertise pour gouverner le pays lorsque les étrangers fous seront partis», aurait déclaré le commandant taliban à l’économiste, d’après l’agence de presse Reuters.
Ce ne sont plus des questions de sécurité qui sont au centre des inquiétudes des afghans. En effet, les armes sont silencieuses, selon le dernier rapport hebdomadaire du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies. A présent, les préoccupations se portent plutôt sur ce qui manque: l’argent, la carburant et surtout la nourriture.
L’Afghanistan confronté à la famine
Une famine catastrophique se profile dans le pays. Thomas ten Boer, directeur de l’organisation Welthungerhilfe en Afghanistan, a été sollicité par les talibans pour remettre sur pied les programmes d’aide humanitaire dans le pays. Le Néerlandais était en congé parental lorsque la situation en Afghanistan s’est aggravée. Dès que les avions voleront à nouveau en direction de Kaboul, il compte y retourner. Dès la semaine prochaine, tous les bureaux de Welthungerhilfe du pays devraient être à nouveau ouverts, a déclaré Thomas ten Boer à «Der Spiegel».
Les talibans ont demandé à douze organisations humanitaires «de reprendre le travail humanitaire dans tout le pays». «Ce n’est pas le problème, déclare Thomas ten Boer, ce qui m’inquiète le plus, c’est de savoir si nous allons avoir assez de carburant pour distribuer notre aide.» En outre, comme les banques restent fermées et que l’argent ne peut être retiré, aucun fournisseur ne peut être payé.
L’hiver menace
En Afghanistan, c’est une personne sur trois qui est gravement menacée par la faim, a précisé l’humanitaire. Les talibans s’emparent d’un pays au bord du gouffre: «Depuis des mois, les réfugiés vivent aux alentours de la capitale dans des conditions désastreuses à proximité de décharges, sans soins médicaux, sans logement stable et sans école pour les enfants», détaille-t-il. Avec le changement de pouvoir, la situation s’est aggravée. Les fonctionnaires n’ont pas reçu leur salaire depuis juin, voire juillet. «En outre, les prix ont augmenté de façon spectaculaire. En particulier dans le Nord. De nombreuses personnes n’ont tout simplement plus les moyens de se nourrir.»
D’ici deux ou trois mois, l’hiver se fera sentir, avec ses températures glaciales. Thomas ten Boer s’alarme: «Par moins 20 degrés, les gens ne peuvent pas survivre dans des tentes ou des habitations de fortune. Des centaines de milliers de personnes sont concernées.»