Anthony Rota, président de la Chambre des communes du Canada a annoncé mardi sa démission après le scandale provoqué par l'hommage rendu au parlement à ex-soldat ukrainien ayant combattu avec les nazis pendant la Seconde guerre mondiale. «C'est avec le cœur lourd que je me lève pour informer les membres de ma démission en tant que président de la Chambre des communes», a déclaré Anthony Rota devant le parlement, parlant de «ses profonds regrets pour son erreur». Ce dernier était sous pression depuis le week-end dernier puisque les partis d'opposition demandaient sa démission — tout comme les ténors de son propre clan, les libéraux du Premier ministre Justin Trudeau. Ce dernier avait parlé lundi d'un hommage «inacceptable» et «profondément gênant».
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Lors du passage du président ukrainien Volodymyr Zelensky à Ottawa vendredi, Anthony Rota a fait applaudir dans l'enceinte du parlement Yaroslav Hunka, vétéran ukrainien de 98 ans accusé d'avoir combattu dans la SS. Il avait présenté cet homme comme un «héros ukrainien», venant de sa circonscription électorale. Les députés de tous les partis, Justin Trudeau, son gouvernement et Volodymyr Zelensky, de confession juive, se sont levés pour applaudir Yaroslav Hunka, ignorant les détails de son passé.
Selon l'association de défense de la communauté juive au Canada, les Amis du Centre Simon Wiesenthal (FSWC), Yaroslav Hunka a servi dans la 14e division Waffen Grenadier de la SS, une unité militaire nazie dont les crimes contre l'humanité pendant l'Holocauste sont bien documentés. «Ce geste de reconnaissance publique a causé de la douleur à des individus et des communautés, notamment à la communauté juive au Canada (...) ainsi qu'aux survivants de l'Holocauste en Pologne. J'accepte l'entière responsabilité de mes actions», a-t-il ajouté.
Seul responsable de cette initiative
Elu pour la première fois en 2004 sous la bannière libérale, Anthony Rota, 62 ans, a été réélu à cinq reprises. Il était le président de la Chambre depuis 2019, un poste clé du système parlementaire canadien, au-dessus des partis. Il assumait de nombreuses responsabilités administratives et diplomatiques ainsi que les liens avec le Sénat et la Couronne, c'est-à-dire la représentation du roi Charles III, chef d'Etat en titre du Canada.
Anthony Rota s'était excusé dimanche une première fois pour cette invitation, expliquant «être le seul responsable de cette initiative». Mais ses excuses n'avaient pas suffi devant la polémique qui menaçait de retomber sur le Premier ministre canadien. Mardi, de nombreux membres du gouvernement étaient ainsi montés au front: Mélanie Joly, la ministre des Affaires étrangères avait ainsi estimé que Anthony Rota n'avait pas le choix et devait démissionner, parlant de «honte pour les Canadiens».
Pour le parti conservateur, principale force d'opposition au Canada et en hausse dans les sondages, le gouvernement Trudeau est responsable de ne pas avoir vérifié les antécédents de Yaroslav Hunka avant de lui rendre hommage. Pour Les Amis du Centre Simon Wiesenthal, cet incident «a compromis l'intégrité de tous les 338 membres du Parlement et a également offert une victoire de propagande à la Russie».
La Russie accuse en effet les dirigeants ukrainiens d'être des «néo-nazis» et avance, comme justification à la guerre, la nécessité de «dénazifier» son voisin. L'épisode canadien risque donc d'alimenter davantage cette rhétorique: le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a d'ailleurs parlé de «scandale», ont rapporté les médias russes.
Mardi soir, le ministre polonais de l'Education a annoncé avoir demandé une enquête pour vérifier si ce vétéran ukrainien ayant combattu avec les nazis, n'avait pas commis de crimes en Pologne, en vue de son éventuelle extradition.
Le Canada compte la deuxième plus importante diaspora ukrainienne au monde après la Russie avec quelque 1,4 million de personnes d'origine ukrainienne sur son territoire. Il s'agissait de la première visite officielle du président ukrainien sur le sol canadien depuis le début de l'invasion de la Russie.
(AFP)