Au récent salon de l’armement Eurosatory, à Paris, il trônait en majesté. Placé juste à l’entrée du stand du Ministère français de la défense, le canon Caesar, monté sur camion, servait de tête de gondole aux industriels de l’armement «Made in France». Logique. Douze exemplaires de ce canon de 155 mm, capable de tirer six obus à la minute à plus de 40 kilomètres de distance, sont aujourd’hui déployés sur le front en Ukraine. Six autres ont été promis par Emmanuel Macron.
Échapper aux artilleurs russes
Très mobiles, ils permettent aux artilleurs ukrainiens de viser avec une grande précision des cibles militaires russes et de s’échapper rapidement pour éviter les ripostes meurtrières de l’ennemi. «Le Caesar est exactement le type d’armes dont les Ukrainiens ont besoin. Il s’adapte à un front mouvant. Il offre une garantie de sécurité importante aux équipages, qui peuvent tirer puis se diriger très rapidement vers un autre point de tir», confirme à Blick le général Dominique Trinquand, artilleur de formation et ancien représentant militaire de la France à l’ONU.
Problème: la capacité de production des usines de la firme Nexter, à Bourges (Cher), est limitée. Actuellement, 76 canons Caesar sont en service dans l’armée française, qui redoute de puiser encore plus dans son arsenal. Augmenter la fabrication de ce canon «sur-mesure» est donc l’enjeu: «Une guerre est aussi un grand complexe industriel, nous confiait, au salon Eurosatory, Veli Karakus, responsable export pour le groupe turc Cukurova. Si l’on veut davantage armer l’Ukraine, il faut passer plus de commandes de matériel.»
Repousser l’offensive russe dans le Donbass
Les Turcs sont très bien placés pour savoir de quoi les Ukrainiens ont besoin afin de repousser l’offensive russe dans le Donbass. Le président, Recep Tayip Erdogan, présent à Madrid pour le sommet de l’OTAN, vient de confirmer la livraison prochaine à Kiev de trois nouveaux drones militaires Bayraktar TB2, qui viendront s’ajouter à la douzaine actuellement en service dans le ciel de l’Ukraine.
Mieux: la firme familiale – dont les appareils télécommandés sont très demandés depuis leurs prouesses lors de la guerre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan en 2020 dans le Haut-Karabagh – a fait appel à la générosité de la population turque sous forme de collecte de «crowfunding». Les fonds recueillis serviront à payer et à livrer d’autres drones, spécialisés dans la photographie et la reconnaissance, plus des équipements pour les soldats: «Toutes les armes ne peuvent pas faire la différence sur un théâtre de guerre comme celui du Donbass, juge un expert militaire turc, présent au sommet de Madrid. Livrer des Kalachnikovs ne sert pas à grand-chose. Il faut d’urgence du matériel capable d’infliger des pertes lourdes à l’armée russe, surtout à ses unités blindées.»
Cinq milliards de dollars d’aide par mois à l’Ukraine
La Suisse est concernée par les livraisons d’armes à l’Ukraine. En avril, la Confédération a bloqué l’exportation de munitions fabriquée par Oerlikon pour les chars antiaériens allemands Gepard, dont une quinzaine d’exemplaires ont déjà été livrés à Kiev. Comment contourner ces obstacles et accélérer la production? La question a été posée par le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, aux dirigeants de l’Alliance atlantique lors de leur première session plénière à Madrid.
Son exigence? Obtenir des Occidentaux au moins 5 milliards de dollars d’aide par mois, dont un tiers sera dans l’immédiat consacré à l’achat de matériels militaires. Aujourd’hui, 25 des trente pays membres de l’OTAN fournissent des armes à l’Ukraine. L’Estonie et la Norvège ont livré elles aussi des pièces d’artillerie mobiles. Les États-Unis ont acheminé des milliers de missiles portatifs anti-tanks Javelin et anti-navires Harpoon, plus des drones de reconnaissance Phoenix et douze hélicoptères de transport MI17. La Pologne a livré à ce jour près de 200 chars T72 de fabrication soviétique. La République tchèque a, elle aussi, fourni des hélicoptères. Le Royaume-Uni vient d’approuver la fourniture de systèmes de lance-roquettes multiples M270. Le tout, complété à Madrid par de nouvelles annonces allemandes, norvégiennes et hollandaises.
Faire de l’armée ukrainienne une armée moderne
«Notre objectif est de permettre à l’armée ukrainienne de passer de l’époque soviétique à l’époque moderne, a asséné à Madrid le secrétaire général norvégien de l’OTAN, Jens Stoltenberg. L’Ukraine peut compter sur ses alliés aussi longtemps que cela sera nécessaire.»
Difficile toutefois de voir dans les annonces d’aide militaire de l’Alliance ce qui fera la différence sur le terrain. Pas de matériel lourd, mais des équipements de défense individuels, des infrastructures de télécommunications et des instruments anti-drones. Pas question, pour l’OTAN, d’apparaître collectivement comme un fournisseur d’armes lourdes à Kiev. À chaque pays membre de l’Alliance d’assumer cette responsabilité et de puiser dans son propre arsenal.