Le président afghan Ashraf Ghani
«Je me suis enfui pour éviter un bain de sang»

Face à l'avancée des talibans islamistes en Afghanistan, le président Ashraf Ghani a quitté le pays. Dans un message, il justifie sa fuite.
Publié: 15.08.2021 à 21:29 heures
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Dernière mise à jour: 16.08.2021 à 08:16 heures
Le président afghan Ashraf Ghani a fui le pays en raison de l'avancée des talibans.
Photo: keystone-sda.ch
Blick

Quelques heures après son départ d'Afghanistan, le président Ashraf Ghani tente d'expliquer à la population sa fuite du pays. Il aurait été confronté à une décision difficile, écrit-il sur Facebook tard dans la soirée de dimanche (heure locale).

S'il était resté, de nombreux compatriotes auraient été martyrisés et la ville de Kaboul aurait été détruite. Selon lui, les talibans, qui encerclaient Kaboul ce dimanche, menaçaient de commettre des attaques sanglantes pour le chasser du pouvoir. «J'ai décidé de partir pour éviter ce bain de sang.»

Le succès par la force des armes

Il déclare ensuite que les talibans ont obtenu leur succès par la force des armes et qu'ils sont désormais responsables de la protection de la vie, des biens et de l'honneur des citoyens.

À aucun moment de l'histoire, le recours à la force n'a conféré de légitimité à quiconque, et ce ne sera pas le cas à l'avenir, ajoute la déclaration. Les islamistes seraient maintenant confrontés à un défi historique. (SDA/bra/daj)

"Des unités militaires de l'Emirat islamique d'Afghanistan sont entrés dans Kaboul pour y assurer la sécurité", a annoncé dimanche soir sur Twitter un porte-parole des talibans, Zabihullah Mujahid.

Peu après, des talibans criaient "victoire" dans le palais présidentiel à Kaboul, sur des images de télévision

En 10 jours

En 10 jours, le mouvement islamiste radical, qui avait déclenché une offensive en mai à la faveur du début du retrait des troupes américaines et étrangères, a pris le contrôle de quasiment tout le pays.

Il est aux portes du pouvoir, 20 ans après en avoir été chassé par une coalition menée par les États-Unis en raison de son refus de livrer le chef d'Al-Qaïda, Oussama Ben Laden, dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001.

La débâcle est totale pour les forces de sécurité afghanes, pourtant financées pendant 20 ans à coups de centaines de milliards de dollars par les États-Unis, mais qui se sont effondrées, et pour le gouvernement.

"Transfert pacifique du pouvoir"

Peu avant l'annonce des talibans, l'ancien vice-président Abdullah Abdullah avait le premier fait savoir que le président Ashraf Ghani avait "quitté" son pays, après sept années au pouvoir, sans préciser où il se rendait. La chaîne de télévision Tolo News a évoqué le Tadjikistan.

Un porte-parole des insurgés, Suhail Shaheen, a déclaré à la BBC qu'ils escomptaient un transfert pacifique du pouvoir "dans les prochains jours". Les talibans ont aussi promis qu'ils ne chercheraient à se venger de personne.

Vide sécuritaire?

Les craintes sont fortes d'un vide sécuritaire à Kaboul, des milliers de policiers et de militaires ayant abandonné leur poste, leur uniforme et même leurs armes.

Les Etats-Unis ont commencé l'évacuation vers l'aéroport, désormais seule porte de sortie du pays, de leurs diplomates et des civils afghans ayant travaillé pour eux qui craignent pour leur vie, soit quelque 30'000 personnes protégées par 5000 soldats américains.

Le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg a fait savoir que l'alliance aidait à sécuriser l'aéroport, où convergent Occidentaux et Afghans pour tenter de fuir le pays. La Suisse a fermé temporairement son bureau de coopération dans la capitale afghane.

"Pas Saïgon"

Le président Joe Biden a défendu sa décision de mettre fin à 20 ans de guerre. "Je suis le quatrième président à gouverner avec une présence militaire américaine en Afghanistan (...). Je ne veux pas, et je ne vais pas, transmettre cette guerre à un cinquième", a-t-il lancé dimanche.

"Ceci n'est pas Saïgon", a quant à lui assuré le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken sur CNN, évoquant la chute de la capitale vietnamienne, en 1975, un souvenir encore douloureux pour les États-Unis.

Au Royaume-Uni, ces derniers jours ouvertement critique concernant son allié américain, le Premier ministre britannique Boris Johnson a appelé les Occidentaux à adopter "une position commune" face aux talibans "pour éviter que l'Afghanistan ne redevienne un terreau pour le terrorisme".

Panique à Kaboul

Au fil de la journée, la panique s'est emparée de Kaboul. Les magasins ont fermé, des embouteillages monstres sont apparus. Une énorme cohue était visible auprès de la plupart des banques, les gens cherchant à retirer leur argent tant qu'il était encore temps.

Sur les réseaux sociaux, des vidéos montraient des groupes de combattants talibans lourdement armés patrouillant dans les grandes villes, brandissant des drapeaux blancs et saluant la population.

Beaucoup d'Afghans, et les femmes en particulier, habitués à la liberté de ces 20 dernières années, craignent le retour au pouvoir des talibans. Lorsqu'ils dirigeaient le pays, entre 1996 et 2001, ces derniers avaient imposé leur version ultra-rigoriste de la loi islamique.

Les talibans ont promis que s'ils revenaient au pouvoir, ils respecteraient les droits humains, en accord avec les "valeurs islamiques". Mais dans les zones nouvellement conquises, ils ont déjà été accusés de nombreuses atrocités: meurtres de civils, décapitations, enlèvements d'adolescentes pour les marier de force, notamment.

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