La Cour des comptes européenne s'attaque à Frontex. Elle dénonce le manque d'efficacité de l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes dans la lutte contre la criminalité transfrontalière et l'immigration illégale. «Notre opinion, basée sur des faits, est que Frontex ne s'acquitte pas de cette tâche de manière efficace actuellement. C'est d'autant plus inquiétant à un moment où elle se voit confier des responsabilités accrues», a déclaré le responsable d'un rapport publié lundi, Leo Brincat.
L'agence européenne, créée en 2004, a vu son mandat élargi en 2016, pour aider les Etats membres à lutter contre l'immigration illégale et la criminalité transfrontalière. Ce mandat a encore été renforcé en 2019, en prévoyant la mise en place d'un contingent permanent de 10'000 membres d'ici 2027 - alors que ses effectifs n'étaient que de 750 en 2019 - et un budget moyen d'environ 900 millions d'euros par an pour la période 2021-2027.
Les auditeurs pointent notamment «des lacunes et des incohérences» dans les systèmes d'échange d'informations entre Frontex et les Etats membres. Ils ont «noté que, bien qu'un cadre fonctionnel pour l'échange d'informations ait été mis en place pour soutenir la lutte contre l'immigration illégale, il ne fonctionnait pas suffisamment bien pour fournir un tableau exact, complet et actualisé de la situation aux frontières extérieures de l'UE».
Et qu'un «cadre adéquat pour l'échange d'informations aux fins de la lutte contre la criminalité transfrontalière n'a pas encore été institué». «Cela affecte la capacité de Frontex et des Etats membres à surveiller les frontières extérieures et, le cas échéant, à réagir rapidement aux menaces détectées», estiment-ils.
«Trop de changements trop vite»
«Nous pensons que Frontex a connu trop de changements trop vite», a commenté Léo Brincat, rappelant que la décision de renforcer son mandat avait été prise par les Etats membres.
L'audit, décidé par la Cour en 2019, ne porte toutefois pas sur les accusations de refoulements de migrants en mer Egée dont fait l'objet Frontex depuis la publication d'une enquête dans plusieurs médias en octobre 2020. Accusée d'être impliquée avec les garde-côtes grecs dans ces agissements illégaux, Frontex est visée par plusieurs enquêtes, notamment de l'Office européen de lutte antifraude, l'Olaf.
Frontex, dirigée par le Français Fabrice Leggeri, a indiqué dans un communiqué transmis à l'AFP être «consciente que des améliorations sont nécessaires et travaille dur pour rendre l'agence plus forte et encore plus efficace».
«Bon nombre des problèmes soulevés sont liés à des facteurs externes qui échappent au contrôle de l'agence», a affirmé un porte-parole de l'agence, ajoutant que la mise en oeuvre des recommandations du rapport «requiert un effort combiné de Frontex, de la Commission européenne et des autorités nationales». (ATS)
Des retombées budgétaires sont à prévoir
Les conséquences de ce rapport ne peuvent pas encore être évaluées. Toutefois, il ne passera certainement pas inaperçu. En effet, contrairement aux accusations précédentes, les critiques ne proviennent cette fois pas d'ONG. C'est l'une des plus grandes institutions européennes qui s'attaque à l'agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes. Comme l'agence s'est agrandie de façon significative depuis 2004, ses compétences et les montants qui ont été investis sont devenus de plus en plus conséquents. Les premières retombées pourraient donc être budgétaires.