Alors que le monde entier a les yeux rivés sur l’Ukraine et la guerre d’agression menée par la Russie, les regards se tournent toujours davantage vers l’Asie, et plus précisément l’Indo-Pacifique. Une région géopolitique qui englobe, outre les deux pays les plus peuplés du monde (l’Inde et la Chine), le Japon, les deux Corées, Taïwan, l'Indonésie et l’Australie, notamment. Par définition, les États-Unis font également partie de l’Indo-Pacifique.
La preuve de l’importance de cet espace pour l’ordre mondial? Le nombre de visites de dirigeants européens dans la région ces dernières semaines et mois. Le chancelier allemand, Olaf Scholz, s’est rendu dans la région en octobre dernier, alors que le président français, Emmanuel Macron, et Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, ont fait le déplacement début avril. La ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, était dans la zone Indo-Pacifique la semaine dernière.
Une région clé pour le monde
Lors de sa visite en Corée du Sud, Annalena Baerbock a souligné l’importance clé de la région au XXIe siècle. «Nous voulons nous engager davantage dans l’Indo-Pacifique», a souligné l’Allemande.
Pour l’Occident, il est plus important que jamais de renforcer ses liens dans la région. C’est également l’avis de Christian Echle, directeur du département Asie et Pacifique de la Fondation Konrad-Adenauer à Berlin. «Le centre de gravité des relations internationales se déplace vers l’Indo-Pacifique», explique-t-il à Blick.
Au total, 60% de la population mondiale vit dans l’Indo-Pacifique. Par conséquent, s’imposer dans la région signifie occuper une place centrale au sein de l’économie mondiale. Et Xi Jinping l’a bien compris. «La Chine se montre de plus en plus sûre d’elle et agressive dans la région», explique Christian Echle. Selon l’expert, il est donc d’autant plus important que l’Occident se rapproche des pays l’Indo-Pacifique. Face à l’hostilité chinoise, des pays comme le Japon, les Philippines et Taïwan se tournent vers l’Occident en quête d’aide.
Un climat de tension
Les tensions ne cessent de s’exacerber dans la région Indo-Pacifique. Il y a deux semaines, la Chine a simulé une attaque sur l’île de Taïwan. Les Américains et les Australiens mènent des exercices militaires conjoints avec les Philippines – «l’antichambre» de la Chine. De son côté, la Russie a également mis en état d’alerte sa flotte dans le Pacifique. Le jeu des alliances militaires est amorcé.
Les relations entre les États-Unis et la Chine se détériorent rapidement, car Xi Jinping menace – avec toujours plus d’insistance – d’attaquer Taïwan. Une escalade est-elle imminente? «Tenter de prévoir le comportement de la Chine dans la région revient à regarder dans une boule de cristal», répond Christian Echle. Mais selon lui, il est essentiel de se pencher sur la question.
Dans le cadre de la réunion du G7 à Hiroshima au Japon, le ministre japonais des Affaires étrangères, Yoshimasa Hayashi, n’a pas mâché ses mots: «Nous démontrerons au monde la forte détermination du G7 à faire respecter l’ordre international fondé sur l’État de droit.»
L’avenir du monde en jeu
Dans les tensions en Indo-Pacifique, il se joue bien plus que des relations économiques. Le nouvel ordre mondial est en train de se décider. Selon Christian Echle, les pays du Sud s’orientent toujours davantage vers les nations non démocratiques de l’Indo-Pacifique. Le président brésilien, Luiz Inácio Lula da Silva, cherche à se rapprocher de la Chine. Et il a récemment condamné les livraisons d’armes occidentales à l’Ukraine.
La Chine met elle-même en œuvre son plan pour un nouvel ordre mondial – l'«Initiative de sécurité globale» présentée en mars. Le chef d’État, Xi Jinping, en avait déjà esquissé les grandes lignes en avril 2022: il s’agit de créer, sous la direction de la Chine, de nouvelles règles pour la sécurité dans le monde. Pékin compterait promouvoir cette initiative principalement auprès des pays émergents et ceux du Sud – des nations ouvertes à un changement de l’ordre mondial, actuellement dominé par l’Occident.
«Il est temps que l’Occident prouve au reste du monde ce qui rend les démocraties si fortes», estime Christian Echle. Il ne s’agit pas seulement de promouvoir une forme de gouvernement, mais aussi une certaine approche économique. Pour cela, il est essentiel que l’Europe «soit présente dans la région et représente notre vision de l’ordre». Selon l’expert, la question fondamentale qu’il faut se poser est la suivante: «Comment voulons-nous travailler ensemble à l’avenir?»