Ce n’est un secret pour personne, la Russie ne porte pas l’Occident dans son cœur. Dernièrement, sa rhétorique envers l’Occident a même redoublé d’agressivité: avant son investiture mardi, le président russe Vladimir Poutine a renforcé ses menaces contre certains pays de l’OTAN. Le ministère russe de la Défense a fait savoir lundi, pour la première fois depuis le début de la guerre contre l’Ukraine, que des exercices nucléaires étaient prévus à proximité de la frontière ukrainienne. En cela, rien de neuf: par le passé, le Kremlin a régulièrement proféré des menaces contre l’Occident. L’annonce officielle d’exercices nucléaires est toutefois une nouveauté.
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«Pendant les exercices, une série de mesures seront prises pour s’entraîner à la préparation et à l’utilisation d’armes nucléaires non stratégiques», a indiqué le ministère russe de la Défense. Les armes nucléaires non stratégiques sont des armes nucléaires conçues pour être utilisées sur le champ de bataille. Cela signifie qu’elles ont une ogive moins puissante et une portée plus courte que les armes nucléaires «stratégiques» que les Etats-Unis et la Russie pourraient lancer sur d’autre pays.
La Grande-Bretagne, partie prenante du conflit?
Mardi, le canal Telegram russe Intel Slava Z a également annoncé que la Biélorussie allait procéder à une inspection surprise des porteurs d’armes nucléaires tactiques, en accord avec la Fédération de Russie. Se référant au ministère de la Défense biélorusse, des mesures ont déjà été prises en ce sens, peut-on lire sur la chaîne.
Plus tard dans la soirée de lundi, le ministère des Affaires étrangères s’est joint au concert de menaces et a indiqué que les mesures avaient été prises en raison de «déclarations et menaces provocatrices de l’Occident». La Russie accuse par exemple la Grande-Bretagne de livrer des armes à l’Ukraine et de permettre ainsi l’utilisation d’armes britanniques contre la Russie. Moscou menace de «lancer des attaques militaires sur le territoire de l’Ukraine et au-delà». Le Kremlin considère ainsi la Grande-Bretagne «de facto comme partie prenante du conflit».
Les Etats-Unis sont accusés par la Russie de livrer des missiles ATACMS à courte portée, qui pourraient prétendument atteindre des cibles en Russie. Sur ce point, la Russie reste peu concrète, mais annonce qu’elle va accélérer le développement de systèmes de missiles similaires.
Voici comment les experts évaluent les menaces
Dans le domaine nucléaire également, l’appareil du pouvoir russe ne recule pas devant les menaces. Alors que, toujours selon Moscou, les pays de l’OTAN tenteraient de «saper la sécurité de la Fédération de Russie», le ministère des Affaires étrangères a rappelé qu’elle possédait des «moyens de dissuasion nucléaire», c’est-à-dire des bombes atomiques. La menace suivante du ministère n’a pas tardé à suivre: les «dangers militaires» engendrés par les livraisons d’armes occidentales et les «menaces qui en découlent pour notre pays» sont clairement définis dans la doctrine militaire de la Russie et «dans le domaine de la dissuasion nucléaire».
Le moment choisi pour ces menaces forcées n’est pas une surprise. Mardi a eu lieu l’investiture de Poutine, jeudi la Russie célébrera le «Jour de la Victoire» – ce jour férié russe qui commémore la victoire sur l’Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale.
Mais à quel point faut-il prendre au sérieux les menaces nucléaires de Poutine? Depuis l’an 2000, la doctrine militaire russe autorise l’utilisation d’armes nucléaires «en réponse à une agression à grande échelle avec des armes conventionnelles dans des situations critiques pour la sécurité nationale de la Russie». La stratégie russe «escalader pour désescalader» prévoit l’utilisation d’une arme nucléaire tactique sur le champ de bataille afin de changer le cours d’un conflit conventionnel que les forces armées russes risquent de perdre, a expliqué aux médias américains l’expert américain John Hyten, officier supérieur américain en charge des armes nucléaires. C’est pourquoi, il serait nécessaire selon lui de renommer la stratégie russe en «escalader pour gagner».
«La Russie ne veut presque certainement pas d’un conflit militaire direct»
En février, le dernier rapport annuel des services de renseignement de l'«Office of the Director of National Intelligence (ODNI)» a été publié aux Etats-Unis. La conclusion de ce rapport est sans équivoque: la Russie poursuivra certes ses «activités asymétriques» dans le monde entier. On entend par là une guerre hybride, par exemple le piratage informatique, les activités d’espionnage ou les campagnes de désinformation. On peut notamment y lire: «il est presque certain que la Russie ne veut pas de conflit militaire direct avec les forces armées des Etats-Unis et de l’OTAN.»
Mais le rapport prend également position sur la stratégie de dissuasion nucléaire russe. Les forces armées de Moscou auraient besoin de plusieurs années pour se remettre des importantes pertes d’équipement et de personnel subies pendant la guerre en Ukraine. «Pendant cette période, Moscou dépendra davantage de ses capacités nucléaires pour sa dissuasion stratégique», poursuit le document.