C’est une aventure peu commune qu’a vécue la journaliste néo-zélandaise Charlotte Bellis. Enceinte et non mariée, elle a trouvé refuge auprès des talibans afghans, nous apprend le «New Zealand Herald». Comment s’est-elle retrouvée dans cette situation?
Charlotte Bellis travaille pour le service anglophone de l’antenne afghane de la chaîne d’information arabe Al Jazeera. Mais c’est à Doha, le siège de la chaîne, qu’elle aurait appris qu’elle était enceinte. Puisqu’il est illégal au Qatar d’être enceinte sans être mariée, elle a gardé sa grossesse secrète.
Dans sa détresse, elle tente alors de retourner en Nouvelle-Zélande. Mais les conditions très strictes liées à la pandémie lui interdisent de rentrer dans son pays. Elle a pourtant présenté 59 documents aux autorités. Tous ont été rejetés.
Pas de place dans les hôtels de quarantaine
La journaliste n’est pas au bout de ses peines: Dans les hôtels de quarantaine néo-zélandais, il n’y a plus de places disponibles pour elle et son ami, le père de l’enfant, Jim Huylebroek, qui est photographe au «New York Times». Ces derniers mois, la situation s’est aggravée en Nouvelle-Zélande et les places dans les hôtels sont si rares qu’elles sont attribuées par tirage au sort.
Charlotte Bellis et Jim Huylebroek ont alors demandé une dérogation. Mais celle-ci n’a pas non plus été délivrée. La raison invoquée par les autorités est plutôt surprenante: elle n’a pas pris de rendez-vous médical en Nouvelle-Zélande. Un accouchement imminent n’étant pas apparemment pas considéré comme un rendez-vous médical suffisant.
Elle contacte les talibans
Elle a donc pris son téléphone et a appelé des contacts en Afghanistan, et pas n’importe lesquels… Des talibans de haut rang! Ceux-ci lui ont rapidement permis d’entrer dans le pays. Elle sait pourtant qu’une grossesse peut y être synonyme de condamnation à mort. En situation de détresse, elle n’est donc même pas la bienvenue dans sa Nouvelle-Zélande. «C’est juste surréaliste», écrit-elle.
Elle a vivement critiqué la politique d’entrée du gouvernement néo-zélandais et les mesures drastiques liées au Covid. Selon elle, des milliers de Néo-Zélandais sont bloqués à l’étranger et ne peuvent pas rentrer chez eux. «Mais ce n’est que lorsqu’on se trouve soi-même dans cette situation qu’on se rend compte que ces règles n’ont aucun sens», assure-t-elle.
Sa demande «réexaminée»
La réaction des talibans a été pour le moins différente de celle de la Nouvelle-Zélande. Ceux-ci lui auraient assuré qu’elle pouvait se rendre sans problème en Afghanistan. Ils l’auraient également rassurée: «Ne vous inquiétez pas. Tout va bien se passer.»
Dans le cadre de son métier, la journaliste avait un jour demandé aux talibans ce qu’ils feraient pour garantir les droits des femmes et des filles. Elle pose maintenant ironiquement la même question à son propre gouvernement. «Quand les talibans t’offrent un refuge sûr alors que tu es une femme enceinte et non mariée alors que ton propre pays le refuse, c’est vraiment signe que tu es dans une situation dramatique.»
Charlotte Bellis attend sa fille pour le mois de mai. Entre-temps, elle a été contactée par les autorités néo-zélandaises. Celles-ci l’ont informée que sa demande d’entrée sur le territoire serait réexaminée.
Malgré l'accueil réservé à la journaliste, les talibans mènent une répression féroce contre les militantes des droits humains en Afghanistan. Ils sont notamment accusés d'arrêter des femmes qui participent à des manifestations contre le pouvoir en place.
(Adaptation par Thibault Gilgen)