Rejetée par l'opinion, contestée au sein de sa propre majorité, la dirigeante conservatrice a assuré vouloir rester en poste malgré l'abandon de son programme économique, qui avait provoqué une tempête sur les marchés financiers. Mais sa position apparaît fragilisée avec le départ d'un nouveau poids lourd de son gouvernement, moins d'une semaine après avoir dû limoger son ministre des Finances et ami proche, Kwasi Kwarteng.
Suella Braverman, 42 ans, a expliqué avoir démissionné après avoir utilisé son e-mail personnel pour l'envoi de documents officiels, enfreignant le code ministériel. Elle a par ailleurs exprimé ses «graves inquiétudes» sur la politique du gouvernement, qui selon elle renonce à ses promesses, notamment sur le dossier migratoire. Quelques heures plus tard, on apprenait qu'elle était remplacée par Grant Shapps, 54 ans, ministre des Transports sous Boris Johnson.
Le départ de Suella Braverman, s'il ne semble pas lié à une rébellion au sein du gouvernement comme celle qui avait poussé Boris Johnson au départ en juillet, tombe mal pour Liz Truss, qui cherche à reprendre la main après la mise en pièces lundi, par son nouveau ministre des Finances, Jeremy Hunt, des baisses d'impôts massives qu'elle avait promises.
«Je suis une battante, pas quelqu'un qui abandonne»
Liz Truss s'est montrée très combative à la mi-journée lors du rendez-vous hebdomadaire des questions au Parlement, test majeur pour sa capacité à rebondir. Elle a défendu sa politique face aux huées et aux appels à la démission de l'opposition travailliste. «Je suis une battante, pas quelqu'un qui abandonne», a-t-elle martelé.
«A quoi sert une Première ministre dont les promesses ne tiennent même pas une semaine?», a asséné le chef de l'opposition travailliste Keir Starmer, énumérant toutes les mesures que Mme Truss a dû abandonner.
Après cette séance au Parlement, Liz Truss devait répondre aux questions de journalistes lors d'une visite d'une usine au nord de Londres, mais a dû annuler pour s'entretenir avec Suella Braverman. Cette dernière, une ancienne avocate, candidate malheureuse à la course à Downing Street cet été, est une conservatrice très à droite qui se retrouvait chargée du très sensible dossier des traversées illégales de la Manche. Celles-ci atteignent des niveaux record.
Envolée des prix et chute de la livre
La crise que traverse le gouvernement remonte à la présentation le 23 septembre du «mini-budget» du ministre des Finances d'alors, Kwasi Kwarteng, qui avait fait craindre un dérapage des comptes publics.
La livre avait chuté à un plus bas historique et les taux d'emprunt à long terme de l'Etat avaient flambé. La Banque d'Angleterre avait dû intervenir pour empêcher la situation de dégénérer en crise financière.
Pour tenter de calmer la tempête économique et politique, Liz Truss a dû nommer vendredi un nouveau ministre des Finances, Jeremy Hunt, chargé de rectifier son programme économique et de rassurer les marchés sur le sérieux budgétaire du gouvernement.
Ce dernier, désormais largement considéré comme ayant pris l'ascendant sur Liz Truss, est revenu sur presque toutes les baisses d'impôts promises par la Première ministre et a prévenu qu'il faudrait faire des économies dans les dépenses publiques, faisant redouter le retour à l'austérité, comme après la crise financière de 2008.
Au moment où l'inflation a atteint un sommet en 40 ans à 10,1% en septembre, la Première ministre a toutefois voulu faire taire les rumeurs qui laissaient penser qu'elle n'augmenterait pas comme promis les pensions de retraite à hauteur de l'inflation.
Au plus bas dans les sondages
Selon un sondage YouGov, seul un Britannique sur dix a une opinion favorable de Liz Truss, un sur cinq chez les électeurs du parti conservateur. Et 55% des membres du parti majoritaire estiment que Liz Truss devrait démissionner, contre que 38% qui souhaitent qu'elle reste en poste.
A deux ans des prochaines élections législatives, l'opposition travailliste terrasse les conservateurs dans les sondages.
Désormais, six députés de son parti ont déjà publiquement exhorté Liz Truss à partir. Faute de successeur évident, les conservateurs sont toutefois réticents à s'engager dans un nouveau et long processus de désignation d'un nouveau leader, et sont à la recherche d'un consensus pour s'accorder sur un nom, mais semblent loin d'y parvenir.
(AFP)