Donald Trump a dernièrement qualifié le duo Kamala Harris et Tim Walz par ces termes incisifs: «C'est le duo le plus gauchiste de l'histoire américaine.» Peter Hossli, directeur de l'école de journalisme Ringier et ancien correspondant aux Etats-Unis, s'était déjà exprimé de manière plus modérée à ce propos, mais en reprochant quand même à la candidate à la présidence américaine d'avoir commis sa première erreur: choisir le gouverneur du Minnesota Tim Walz comme colistier.
Il explique: «Avec l'ex-soldat et ancien enseignant Tim Walz, Harris – déjà considérée comme de gauche – s'est associée à un homme politique encore plus à gauche.» Mais à quel point ce duo est-il réellement de gauche? Et comment peut-il attirer les voix importantes du Centre?
Selon Philipp Adorf, spécialiste des États-Unis à l'Université de Bonn et co-auteur du livre «Une épreuve pour la démocratie» («Zerreissprobe für die Demokratie» en allemand), le tandem représente plutôt l'aile progressiste des démocrates, qui s'est considérablement agrandie ces dernières années. «Ce duo ne peut cependant en aucun cas être classé comme étant d'extrême gauche ou comme socialiste, surtout si on le compare aux systèmes de partis d'autres démocraties occidentales», relativise l'expert. Il pourrait au mieux être comparé aux sociaux-démocrates européens modérés, poursuit-il.
La politique de Tim Walz s'est transformée
Kamala Harris était considérée comme la plus libérale de la centaine de membres du Sénat, selon le site web indépendant GovTrack. Pendant sa campagne électorale il y a quatre ans, elle s'était prononcée en faveur de solutions plutôt de gauche – si l'on considère le contexte américain – sur les questions de politique migratoire: elle était par exemple pour une couverture médicale publique pour les immigrés en situation irrégulière, et des sanctions civiles plutôt que pénales en cas de franchissement illégal de la frontière.
Tim Walz, en revanche, a subi «une transformation idéologique considérable», selon Philipp Adorf. Au Congrès, il a initialement soutenu la protection des droits sur les armes, a voté en faveur du pipeline Keystone XL controversé en provenance du Canada, et était en faveur d'un contrôle plus strict des réfugiés syriens et irakiens. Il s'est également opposé à certaines directives environnementales introduites par le président Barack Obama.
Mais depuis son élection au poste de gouverneur du Minnesota en 2018, Tim Walz est devenu le «chouchou» de la gauche: il a inscrit le droit à l'avortement dans la loi, introduit des congés familiaux payés, légalisé la marijuana, autorisé les sans-papiers à passer le permis de conduire et à étudier gratuitement, renforcé les lois sur le contrôle des armes et adopté des objectifs climatiques ambitieux.
Il a contré les critiques sur son orientation libérale-progressiste par un simple commentaire. Selon lui, il ne faudrait jamais craindre ses propres valeurs progressistes, car «ce qui est taclé de socialisme par l'un, est considéré comme un amour de son prochain par l'autre». Pour Philipp Adorf, une chose est sûre: «Au sein du duo, Tim Walz a poursuivi avec plus d'insistance une politique progressiste de gauche et jouit d'une plus grande popularité que Kamala Harris au sein de l'aile gauche.»
Sur la voie du succès malgré tout
Mais comment deux candidats de gauche arrivent-ils donc à obtenir d'importants votes conservateurs dans un milieu âprement disputé par les Démocrates et les Républicains? Pour l'expert, il ne s'agit pas seulement d'une question de cap. «Si Kamala Harris et Tim Walz font actuellement mieux que Joe Biden, c'est notamment parce que leurs personnalités suscitent nettement plus d'enthousiasme que celle du président sortant.»
La conclusion de Philipp Adorf est que les Démocrates peuvent tout à fait réussir avec un angle progressiste sur les questions de politique économique et sociale, si les acteurs adéquats se présentent comme le visage de cette politique. Le spécialiste est clair: «Pour les élections, je ne considère donc pas que le duo Harris-Walz doive impérativement effectuer un ajustement idéologique du cap vers le Centre.»