Notre analyse
La chute du «bouffon» Boris Johnson, une tragédie anglaise

Le Premier ministre britannique Boris Johnson a finalement cédé. Il va démissionner de son poste de leader du parti conservateur. Une chute inexorable qui devrait le conduire à quitter le pouvoir sous la pression des démissions. Le Royaume-Uni n'en sort pas grandi.
Publié: 07.07.2022 à 12:56 heures
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Dernière mise à jour: 07.07.2022 à 13:58 heures
Fin de partie pour le premier ministre britannique Boris Johnson. Porté au pouvoir par le Brexit, arrivé au 10 Downing Street en juillet 2019, celui que beaucoup surnomment «le bouffon» va quitter la tête du parti conservateur sous la pression des démissions en cascade de ses ministres.
Photo: DUKAS
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Richard WerlyJournaliste Blick

Fin de partie pour le «bouffon» Boris Johnson. Le premier ministre britannique a finalement cédé à une élimination en règle menée par ses ministres et par un parti conservateur transformé en cirque politique par ses facéties et ses refus d’admettre ses responsabilités dans le «partygate», ces soirées arrosées organisées en pleine épidémie de Covid au 10 Downing Street.

L’annonce par la BBC, jeudi 7 juillet vers 10 heures, de sa démission du poste de patron du parti conservateur («tory») va inévitablement enclencher l’engrenage de son départ du gouvernement, même s’il s’accroche encore quelques semaines, peut-être même jusqu’à l’automne. Les Tories, qui se déchiraient sur son remplaçant, sont maintenant le dos au mur pour lui trouver d’urgence un successeur.

Un feuilleton déshonorant et accablant

Fin de partie, mais surtout fin d’un feuilleton déshonorant et accablant pour le Royaume-Uni, dont l’origine se trouve dans le référendum du 23 juin 2016 et la décision de 51,89% des électeurs britanniques de quitter l’Union européenne dans laquelle leur pays était entré en 1973 (entrée validée par un référendum en 1975).

Menteur, manipulateur, sans pitié dans ses attaques entre 2016 et 2019 contre la première ministre post-Brexit Theresa May, pris en flagrant délit de trahison de ses engagements vis-à-vis de l’Union européenne sur le dossier du protocole nord-irlandais… Boris Johnson est un «bouffon» dont les pitreries sont, peu à peu, devenues inacceptables et intenables pour ses partenaires et pour son pays.

Interrogés par l’institut Yougov, 71% des Britanniques estimaient le 30 juin dernier qu’il est un «très mauvais» chef du gouvernement, contre 23% conservant une opinion favorable. Son ultime tentative de survie politique, ces dernières semaines, fut de s’engouffrer sans failles dans le soutien occidental à la guerre en Ukraine, aux côtés des Etats unis. Sans que cela empêche son gouvernement de se déliter jusqu’à la démission qui a tout fait basculer mardi: celle du Chancelier de l’Echiquier (ministre des finances) Richi Sunak et du ministre de la santé Sajid David.

Le Brexit au cœur de cette tourmente

La question du Brexit est évidemment au cœur de cette tourmente en forme de tragédie politique britannique. Ancien journaliste en poste à Bruxelles, coupable alors d’avoir souvent «bidonné» ses articles pour dénoncer les soi-disant errements de l’Union européenne (UE), Boris Johnson a, du début jusqu’à la fin, fait preuve du pire des opportunismes. Lui-même, au début, ne croyait pas à la victoire du «Leave» lors du référendum.

Mais à force de mensonges sur le thème «We want our country back» – comme sur le National Health Service (NHS) qui devait soi-disant récupérer, après la sortie de l’UE, prés de 350 millions de livres par semaine – son style et sa pugnacité sans scrupule ont fait la différence. Le 24 juillet 2019, après l’effondrement en direct à la Chambre des communes de Theresa May, abandonnée par une majorité de députés conservateurs derrière Johnson, la Reine Elizabeth lui ouvrait les portes du 10 Downing Street.

Désarroi politique engendré par le Brexit

La force de Boris Johnson aura, jusqu’au bout, été sa capacité à encaisser les pires accusations et à nier les évidences, y compris lorsque les rapports ont démontré que des membres de son propre cabinet ont violé en sa présence les règles d’isolement durant la pandémie. Le «bouffon», admirateur de Winston Churchill auquel il a consacré un livre traduit en français «Winston, Comment un seul homme a fait l’histoire» (Ed. Stock), a profité sans scrupule du désarroi politique engendré par le Brexit, survenu voici six ans.

La démocratie parlementaire idéale de Westminster s’est retrouvée prise en otage, entre un parti conservateur phagocyté par Boris Johnson, populaire auprès des classes moyennes et populaires en souffrance et un parti Travailliste (Labour) tétanisé par l’héritage de son ancien leader Jeremy Corbyn, remplacé en 2020 par le juriste Keir Starmer.

«Voici pourquoi Boris Johnson s’est écrasé et a brûlé écrivait en janvier l’ancien député travailliste Paul Mason dans le magazine «New Statesman». L’accord au cœur du conservatisme de la classe ouvrière est que, puisque seule l’élite peut gouverner, elle doit gouverner bien et honnêtement. En temps de crise nationale – et 153 000 décès dus à un virus constituent une crise nationale – elle doit non seulement diriger, mais aussi montrer l’exemple».

Avec cette conclusion en forme de couperet: «Comparé à Johnson, Starmer semble honnête, compétent, efficace […] Bien que son passé de directeur des poursuites publiques désenchante certains militants travaillistes, c’est un label de compétence pour les électeurs qui aiment l’idée d’enfermer les criminels». Les tragédies anglaises ont aussi une fin.

A lire pour mieux comprendre le Royaume uni: Angleterre, Brexit et conséquences de Serge Enderlin (Collection Ame des peuples, Nevicata)

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