Favori pour remplacer Nancy Pelosi au perchoir, le Républicain Kevin McCarthy est suspendu au bon vouloir d'une vingtaine d'élus trumpistes qui l'accusent d'être trop modéré et jouent délibérément les trouble-fête.
Membres de la frange la plus conservatrice du parti, ils profitent de la très fine majorité républicaine décrochée aux élections de mi-mandat de novembre pour poser leurs conditions. Sans leur soutien, Kevin McCarthy ne peut pas être élu.
Trois jours de blocage
L'Amérique veut «un nouveau visage, une nouvelle vision, un nouveau leadership», a argué le turbulent élu du Texas Chip Roy depuis l'hémicycle mercredi. Kevin McCarthy, membre de l'état-major républicain depuis plus de 10 ans, a déjà accédé à nombre des exigences de ce groupe, sans que cela ne permette de débloquer la situation. Pire, l'opposition à sa candidature semblait se cristalliser.
Après six votes infructueux depuis mardi, les élus se sont accordés pour suspendre leurs débats jusqu'à jeudi midi heure locale (18h00 en Suisse). L'élection du «speaker», le troisième personnage le plus important de la politique américaine après le président et le vice-président, nécessite une majorité de 218 voix. Kevin McCarthy n'a pour le moment pas réussi à dépasser les 203.
Une situation «embarrassante»
L'élu de Californie ne dispose pas pour autant de concurrent crédible. Seul le nom du chef de groupe Steve Scalise circule comme possible alternative, sans que ses chances ne semblent sérieuses. Le président démocrate Joe Biden a qualifié cette situation d'«embarrassante», assurant que «le reste du monde» suivait de près la pagaille au Congrès.
Ce blocage a des répercussions très concrètes: sans président, les élus ne peuvent pas prêter serment, et donc passer quelconque projet de loi. «Nous avons du travail à faire et auquel nous ne pouvons pas nous atteler», a dénoncé l'élu républicain Mike Gallagher. Les Républicains ne peuvent pas non plus ouvrir les nombreuses enquêtes qu'ils avaient promises contre Joe Biden.
Trump échoue à unir ses troupes
L'agacement commençait à se faire sentir dans l'état-major du «Grand Old Party», donnant lieu à des débats très animés dans l'hémicycle. Mercredi matin, Donald Trump est sorti du bois, exhortant le groupe d'électrons libres à rentrer dans le rang. Mais l'ancien président, dont la réputation de faiseur de rois a sérieusement été mise en doute ces derniers mois, n'est pas non plus parvenu à les convaincre.
Une situation que les démocrates observent avec un certain amusement, entre rires narquois et applaudissements à leurs collègues républicains. Le parti de Joe Biden fait bloc autour de la candidature du chef Hakeem Jeffries, mais l'élu ne dispose pas non plus d'assez de voix pour être élu au perchoir.
Une chance pour Biden?
Les élus continueront à voter jusqu'à ce qu'un président de la Chambre des représentants soit élu. Cela devait être l'affaire de quelques heures, mais pourrait s'étendre sur plusieurs semaines: en 1856, les élus du Congrès ne s'étaient accordés qu'au bout de deux mois et 133 tours.
Être face à une Chambre hostile, mais désordonnée, pourrait se révéler être une aubaine politique pour Joe Biden, s'il confirme son intention de se représenter en 2024 - décision qu'il doit annoncer en début d'année.
Soucieux d'endosser son costume favori de président centriste, friand de compromis, le président démocrate s'est rendu mercredi dans le Kentucky pour vanter le chantier d'un nouveau grand pont financé par une loi qu'il a portée, et qui avait récolté quelques voix républicaines au Congrès. Hasard du calendrier, il était accompagné du chef des Républicains à l'autre chambre du Congrès américain... le ténor du Sénat Mitch McConnell.
(ATS)