Terrain hyperbalisé et cadré pour Emmanuel Macron lors de sa visite d’État en Suisse, les 15 et 16 novembre. Tous les thèmes abordés seront ceux que le président français affectionne. La recherche. L’innovation. La formation et l’apprentissage. L’Europe. Avec un seul moment d’échange annoncé dans le programme: celui organisé jeudi 16 novembre à l’Université de Lausanne (UNIL), sur les «grands défis européens» aux côtés d’Alain Berset. Le président de la Confédération l’accompagnera tout au long de son périple helvétique, jusqu’à la conclusion de son voyage au CERN (Centre d’étude et de recherche nucléaire) à Genève.
Qu’une visite officielle soit «cadrée», surtout lorsqu’il s’agit d’une visite d’État (la dernière fut celle de François Hollande, en 2015) est très normal. Trois absents de taille démontrent toutefois que cette visite, côté français, sera vite expédiée, même si Emmanuel Macron garde toujours dans sa botte la possibilité d’une initiative de dernière minute.
Le cas de l’UBS
Premiers absents: les milieux économiques et financiers. Ce président français de 45 ans (il en aura 46 en décembre) est pourtant, encore aujourd’hui, la coqueluche des multinationales qui investissent massivement dans son pays. Il s’est régulièrement rendu au Forum de Davos, jadis boycotté par l’Élysée, car trop «mondialisé». Mais là, rien.
Il faut dire que le 15 novembre est une date qui donne déjà des cauchemars à quelques banquiers suisses, en particulier du côté de la géante UBS. C’est ce mercredi, alors qu’Emmanuel Macron arrivera en Suisse, que la Cour de cassation française doit décider d’avaliser, ou non, le jugement en appel de décembre 2021 condamnant la banque helvétique à 1,8 milliard d’euros d’amende (contre 4,5 milliards en première instance).
Et les Suisses allemands?
Autres oubliés de taille de ce programme qui fera la part belle à l’Europe, à travers une visite, à Lausanne, de la Fondation Jean Monnet et un échange avec les étudiants de l’université et de l’EPFL: les Suisses allemands. Rien à Zurich, où son prédécesseur François Hollande s’était rendu en avril 2015 avant de prendre le train pour regagner la Suisse romande.
Rien – pour l’heure – à Bâle, où la répartition des recettes fiscales de l’aéroport Bâle-Mulhouse pimente les très bonnes relations franco-suisses depuis des années. Emmanuel Macron, confronté à des relations difficiles avec son partenaire privilégié qu’est l’Allemagne, n’a pas eu le goût de l’aventure linguistique.
Démocratie directe
Troisième absent de ce programme, bien sûr toujours susceptible de changer: la démocratie directe et le référendum, que le président français ne cesse de défendre chez lui, au point de convoquer les forces politiques le 17 novembre pour en reparler, sitôt son escapade helvétique achevée. Rien sur ce thème qui n’est même pas mentionné dans la présentation de la visite par le Conseil fédéral, alors que le locataire de l’Élysée défend une proposition de modification de la constitution pour élargir le champ des consultations populaires.
Emmanuel Macron a importé de Suisse (mais aussi d’Allemagne) la relance de l’apprentissage dont il s’enorgueillit. La France compte en 2023 830'000 apprentis! Mais coté «Landsgemeinde» et votations populaires: aucune curiosité. A la Fondation Jean Monnet, le président français visitera, outre les archives du père de l’Union européenne, une superbe collection d’affiches sur le thème de l’Europe. Peut-être qu’un parti politique suisse pourrait, d’ici son arrivée, lui offrir quelques affiches de campagnes référendaires passées?
La défense et les F35
Emmanuel Macron, dit-on dans son entourage, n’abordera pas non plus de front dans ses discours publics la question pourtant cruciale de la défense ou l’incompréhension française devant l’acquisition par la Suisse des avions F35 américains, plutôt que le Rafale de Dassault. Son discours sur «l’engagement européen» devrait reprendre son idée, souvent répétée «d’autonomie stratégique» avec probablement quelques références à la nouvelle Communauté politique européenne dont la Suisse pourrait accueillir un prochain sommet en 2025.
Le président français reviendra à Genève à la mi-décembre, pour le Forum mondial pour les réfugiés organisé par l’ONU. Sur fond de tragédie humanitaire à Gaza, de divisions sur la gestion des flux migratoires au sein de l’Union européenne, et de la «fatigue» engendrée par la guerre en Ukraine. D'ici là, pas question de rencontrer ceux qui manquent à son programme: des Suisses qui ne pensent (peut-être) pas comme lui.