Pékin-Paris: l’axe de la paix? Dans la capitale française, personne n’est jusque-là monté officiellement au créneau pour attribuer quelque mérite à Emmanuel Macron dans la décision du président chinois, Xi Jinping, de parler enfin au téléphone avec son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky. Seul un communiqué officiel, lapidaire, s’en est félicité. «La France encourage tout dialogue susceptible de contribuer à une résolution du conflit conformément aux intérêts fondamentaux de Kiev et au droit international», a déclaré mercredi l’Élysée après le premier appel entre les présidents chinois et ukrainien depuis le début de l’invasion russe.
Mais dans les coulisses de la diplomatie hexagonale, l’heure est à la contre-offensive. «Tout le monde a critiqué Emmanuel Macron après son déplacement à Pékin. Or, il avait bien dit que Xi Jinping était 'prêt à appeler' Zelensky», souligne ainsi un ambassadeur français.
La Chine, artisan de paix?
Vrai. Au deuxième jour de sa visite officielle en Chine, le 6 avril, le président français accorde quelques instants aux journalistes qui l’accompagnent. Il en est convaincu: ses arguments ont porté et la Chine va passer à l’action, en faveur de la paix. «Xi Jinping est appelé à être un médiateur du conflit et a d’ores et déjà promis un appel à Zelensky, le moment venu», note alors le quotidien conservateur «Le Figaro».
La présidente de la Commission européenne, présente au côté d’Emmanuel Macron, confirme cet optimisme. «Il était intéressant d’entendre le président Xi réitérer sa volonté de parler lorsque les conditions et le moment seront propices. Je pense que c’est un élément positif», affirme-t-elle. De sa part, l’appréciation porte encore plus, car quelques jours plus tôt, Ursula Von Der Leyen a prononcé au Mercator Institute de Bruxelles un discours musclé sur la défense des intérêts européens en Chine.
Macron, assailli de critiques
La satisfaction française s’explique. Depuis son retour de Pékin, le 8 avril, Emmanuel Macron est assailli de critiques pour avoir, dans l’avion, pris ses distances avec les États-Unis sur la question de Taïwan. Avait-il conclu à Pékin un «donnant-donnant»? La teneur des réactions négatives, en Europe et à Washington, sur les remarques présidentielles prouve en tout cas que les velléités de Paris d’être un acteur occidental moins «aligné» que les autres sur la politique américaine ont été entendues.
La présence au côté d’Emmanuel Macron de l’ancien Premier ministre français Jean-Pierre Raffarin, ami de longue date de la Chine et partisan revendiqué d’une autonomie diplomatique européenne, peut aussi expliquer le degré de confiance entre Paris et Pékin.
«Il faut revisiter l’évaluation du voyage officiel du président français à Pékin, admet un diplomate. On ne peut pas réduire sa visite à sa déclaration sur Taïwan.» Sauf que personne n’en sait rien, comme l’a admis sur France Info jeudi 27 avril le sinologue François Godement. «Pour l’heure, la Chine n’a pas de plan de paix, mais des principes de paix, a-t-il expliqué. On ne peut pas non plus exclure que Pékin cherche, par son intervention et par la promesse de l’envoi d’une délégation chinoise en Ukraine, à ralentir la contre-offensive ukrainienne en préparation, ce qui revient à ménager Poutine et la Russie.»
L’universitaire s’était montré très sévère sur la visite de Macron à Pékin début avril: «Un désastre de communication, sauf bien sûr pour la Chine qui exulte, avait-il écrit dans 'L’Express'. Les dégâts sont aggravés par les différences entre différentes versions de l’interview donnée à des journalistes sur le chemin du retour. […] Elle témoigne d’un irrésistible penchant pour le 'en même temps' et pour des mises en scène héritées du passé.»
La polémique causée par l’ambassadeur Lu Shaye
La France peut aussi s’attribuer indirectement un autre rôle dans cet échange téléphonique inédit entre Xi Jinping et Volodymyr Zelensky: celui du pays qui a abrité un incident diplomatique problématique pour Pékin. Celui-ci a été provoqué, vendredi 21 avril, par les propos tenus sur le plateau de la chaîne LCI, devant Darius Rochebin, par l’ambassadeur de Chine à Paris, Lu Shaye, connu pour être un ultranationaliste.
Le diplomate, poussé dans ses retranchements par le journaliste, avait estimé que «la Crimée était tout au début à la Russie» et que l’ensemble des pays issus de l’ex-URSS – comme l’Ukraine, la Biélorussie ou bien encore la Lituanie – «n’ont pas le statut effectif dans le droit international parce qu’il n’y a pas d’accord international pour concrétiser leur statut de pays souverain».
Pékin avait aussitôt rectifié. «Sur la souveraineté territoriale, la position de la partie chinoise est constante et claire. La partie chinoise respecte la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de tous les pays et défend les buts et principes de la Charte des Nations Unies», avait communiqué le Ministère chinois des Affaires étrangères.
De Paris à Pékin, l’axe de la paix n’a peut-être pas été si planifié que ça…