Bruno Le Maire va bientôt prendre le TGV entre Paris et Lausanne. Coup de chance, le train part de la Gare de Lyon, juste à côté du ministère français des Finances, à Bercy, dont il vient de démissionner, comme l’ensemble du gouvernement dirigé par Gabriel Attal.
Blick a pu préciser l’information donnée par «le Canard enchaîné» dans son édition à paraître ce mercredi: le ministre et ancien candidat à la primaire présidentielle pour la droite (en 2016) est en négociations pour un contrat avec «The Enterprise for Society Center» (E4S), une joint-venture entre l’Université de Lausanne, L’IMD Business School of Management et l’École Polytechnique Fédérale. Il devrait donner des cours à partir de la rentrée dans les trois institutions. Mais il ne résidera pas en Suisse. Il aura une «charge de cours» qui lui permettra de demeurer basé à Paris. Le contact aurait été noué entre lui et l’Université de Lausanne lors de la visite d’Emmanuel Macron en Suisse, les 15 et 16 novembre 2023.
La première réaction de deux familiers français des dossiers financiers à cette information du Canard enchaîné a été un haussement d’épaules. «Un ministre des Finances français sortant ne vient pas s’établir en Suisse, ce pays où les plus grosses fortunes hexagonales trouvent encore refuge», expliquait à Blick, ce mardi soir, un inspecteur des finances qui a beaucoup travaillé avec l’intéressé. Selon nos informations, il n’est pas en effet pas question, pour Bruno Le Maire, de devenir résident étranger de la Confédération.
Il incarne l’héritage Macron
Le fait de donner des cours est en revanche plus «défendable». Selon les informations de Blick, Bruno Le Maire travaillera sur les questions européennes, sur les questions de gouvernance et sur l’articulation entre secteur public et privé. Il était le grand argentier français depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à la présidence de la République en 2017. Il a été l’un des premiers caciques de la droite à rallier l’actuel Chef de l’État.
«Le Maire en Suisse, c’est un coup politique, un affichage. Il n’est pas économiste de formation (il est agrégé de lettres modernes), il a un vrai talent de romancier. A travers lui, c’est l’héritage Macron, les réformes, etc. que l’Université de Lausanne, si proche de la France, veut sans doute capter.» Une source suisse suggère une autre piste pour comprendre cette mission: «L’E4S n’est pas un institut académique régi par des règles salariales strictes. Ils peuvent ainsi se montrer plus généreux avec des vedettes…»
«Affaires courantes»
Bruno Le Maire aurait sans doute aimé garder discrète l’information sur ses futurs cours. Mais voilà: les langues se délient car le gouvernement français est, depuis ce mardi, en «affaires courantes». Emmanuel Macron a en effet fini par accepter la démission de son Premier ministre Gabriel Attal, devenu le chef du groupe parlementaire «Renaissance», le parti macroniste. La session de la nouvelle Assemblée nationale s'ouvrira ce jeudi 18 juillet. Bruno Le Maire reste aux manettes de Bercy tant qu’il n’est pas remplacé. Une mission de «comptable en chef» car il n’est plus officiellement en fonction.
Charge de cours
La future «charge de cours» de l’ancien ministre à «The Enterprise for Society Center» (E4S) peut être comparée à celle d’un haut fonctionnaire français bien connu, Pascal Saint Amans, spécialiste des questions fiscales internationales, enseignant depuis février 2023 au centre de politiques fiscales de l’Université de Lausanne, après avoir été l’un des tombeurs du secret bancaire suisse au sein de l’OCDE.
Le nom de Bruno Le Maire avait circulé aussi pour la présidence du World Economic Forum de Davos. L’E4S propose, entre autres, un Master intitulé «Libérer le potentiel de la formation en économie et en ingénierie pour un avenir durable». Une formule qu’un ancien ministre applique en riant au travail de Bruno Le Maire: «Il a libéré le potentiel de la France pour un avenir politique de la Macronie pas du tout durable», puisque le président se retrouve le dos au mur après sa dissolution de l’Assemblée.
Sans surprise, par peur sans doute des questions délicates, le ministre français des Finances n’était d’ailleurs pas, le 5 et 6 juillet aux rencontres économiques d’Aix-en-Provence où il briefait d’ordinaire les journalistes, dont la presse étrangère. La raison? Le second tour des élections législatives anticipées dimanche 7 juillet. Bruno Le Maire, ancien député de l’Eure, n’était pas candidat. Il est considéré comme un «présidentiable» possible pour 2027, même si ses résultats à la tête du ministère des finances sont très contestés. Sous son long mandat, la dette publique française est passée de 2200 milliards d’euros à environ 3100 milliards, soit 113% du Produit intérieur brut. Alors qu’en Suisse, ce ratio est de 41% !
«Notre programme d’études vous expose à des scénarios du monde réel, vous préparant aux défis et aux opportunités qui vous attendent» annonce l’E4S sur son site. Après sept ans passés à réformer la France sans réussir à convaincre une majorité de ses concitoyens, Bruno le Maire ne va pas manquer de «scénarios» pour ses futurs étudiants.