La manière la plus simple et la moins chère pour investir, sans se prendre la tête? C’est assurément d’investir à travers les ETF, ou Exchange Traded Funds. Il s’agit de véhicules de placement qui répliquent des indices boursiers, ou des secteurs d’activité comme la tech, ou des matières premières comme l’or physique ou des titres d’une même thématique comme l’IA. Cotés en bourse, ces fonds basiques permettent à l’investisseur peu expérimenté de s’exposer largement à ces différentes classes d’actifs. C’est un peu le Easy Jet des placements: un placement peu coûteux, mais qui n’est pas sélectif, ni actif. Il se contente de reproduire passivement l’indice tout entier ou le panier de titres que vous avez choisi.
À la bourse suisse, près de 1700 ETF sont proposés. Exemple: vous aimez les actions? Vous pouvez acquérir un ETF sur un indice d’actions suisses (SMI), européennes (Stoxx 50), américaines (S&P 500, Nasdaq) ou japonaises (Topix, Nikkei 400). Vous êtes fan des valeurs technologiques? On trouve de nombreux ETF qui regroupent les big tech américaines ou même celles de zones géographiques plus originales comme la Chine. Vous voulez miser sur le thème des métaux précieux? Des émetteurs suisses, Swisscanto et la Banque cantonale de Zurich, proposent des ETF sur l’or physique, l’argent et le palladium. Vous suivez de près l’intelligence artificielle? Des fonds indiciels regroupent des entreprises axées sur ce thème.
Mais à nouveau, vous constaterez que les ETF orientés sur l’IA vous proposent un univers d’investissement très large, qui inclut les gros acteurs du secteur comme Nvidia ou Alphabet (Google), mais sans finesse ni sélectivité. On est très loin, par exemple, des fonds de capital-risque californiens, qui identifient les startups qui deviendront les nouveaux prodiges de l’IA, et qui sont réservées à des «clubs» d’investisseurs privés qui peuvent apporter un ticket d’entrée à 8 chiffres et payer des frais de gestion, de conseil et de performance élevés… pour des performances multipliées par 20.
Investir dans un ETF signifie que vous recevrez le même rendement ou la même perte que l’indice sous-jacent, moins les frais de gestion. Comme les frais sont bas, vous serez très proche de la performance brute de l’indice. Pour un ETF indiciel, les frais de gestion se situent entre 0,25% et 0,50%. À titre de comparaison, si vous aviez un portefeuille de placements auprès d’un gestionnaire de fortune privé, il vous prélèverait au minimum 2% de frais de gestion, en plus de 10% à 20% de la performance qu’il a réalisée, s’il offre une gestion active. Et si vous investissez dans un produit structuré (produits dérivés complexes), les frais atteignent au moins 2,5%.
Réplique du marché sans filet
Mais cette simplicité du produit ne rime pas avec de faibles risques. Au contraire. Du fait qu’il s’agit d’un investissement passif, qui n’est pas géré activement dans les hausses et dans les baisses, l’ETF se contente de suivre le cours du marché qu’il réplique, sans aucun filet. Par exemple, quand le Nasdaq a décroché de 30% au 1ᵉʳ semestre 2022, l’investisseur en ETF sur cet indice aurait connu le même sort. Quant au premier ETF sur le bitcoin, lancé en grande fanfare par ProShares aux Etats-Unis en octobre 2021, après avoir explosé à la hausse, il a perdu 70% sur une année, soit l’une des plus mauvaises performances de tous les temps pour le lancement d’un ETF. Ce n’était que le reflet de la performance du bitcoin sur la même période. Idem pour d’autres ETF exposés à cette classe d’actifs, comme le Global X Blockchain ETF.
Même gérés activement, les ETF ne sont pas sans risques. C’est le cas de nombreux «ETF thématiques», c’est-à-dire qui misent sur un thème, comme la robotique ou les voitures électriques. Souvent gérés activement, les ETF thématiques ont des frais plus élevés, situés autour des 0,75%. Typiquement, un émetteur d’ETF lance un produit sur une thématique porteuse, comme l’IA ou le cloud, avec un narratif d’investissement bien rôdé. La thématique est en général cyclique, c’est-à-dire qu’elle est portée par un contexte macroéconomique favorable. Au moment du lancement, le contexte est idéal, et les investisseurs affluent. Initialement, l’ETF fait mieux que le marché, car les paramètres sont au beau fixe. Puis, au bout d’un cycle de quelques mois ou années, l’environnement macroéconomique peut changer, comme lors de la montée de l’inflation et des hausses de taux d’intérêt, faisant souffler un vent défavorable pour la thématique.
Exemple éloquent, le célèbre ETF ARKK sur l’innovation disruptive de Ark Invest, géré activement par la star de l’investissement Cathie Wood, a réalisé de belles performances sur ses 9 ans d’existence, mais les années 2021 et 2022 l’ont tronqué de sa surperformance. Quand les taux d’intérêt sont montés, il a perdu 24% en 2021, puis 67% en 2022, avant de regagner 30% à fin mai 2023.
Plus de protection, plus de coûts
C’est pour répondre aux risques des ETF qu’un ETF offrant 100% de protection durant 2 ans contre les pertes de l’indice S&P 500, a été lancé en juillet dernier aux Etats-Unis. Cela a un prix: les frais de gestion de cet ETF montent à 0,80%.
À première vue, rien d’innovant à ce produit: depuis avril, le leader des ETF, BlackRock, offre des ETF à rendement limité et à pertes limitées (les «buffer ETFs»). Depuis longtemps, des produits structurés «à capital garanti» proposent ce même type de hausse limitée contre protection à la baisse. L’investisseur renonce à une partie du gain en cas de hausse, pour payer son «assurance» en cas de baisse. Sauf que les buffer ETFs et les produits structurés n’ont jamais garanti jusqu’ici une protection de 100% contre les pertes, mais seulement une protection partielle, par exemple de 9% à 15% des pertes, et sur une durée définie de quelques mois, mais pas au-delà.
Avec le nouvel ETF 100% de protection, l’investisseur doit aussi renoncer à une partie de la hausse pour bénéficier de la sécurité à la baisse: il ne peut pas gagner plus de 7% à 8,8% par année. Il doit également renoncer aux dividendes. Et si la garantie semble plus solide que celle des produits structurés d’ancienne génération, là non plus, elle n’est pas absolue: la protection est calculée avant les frais de gestion, les frais de transaction et toutes «dépenses extraordinaires» encourues par le fonds.
En conclusion, investir dans la catégorie des ETF indiciels, aux frais les plus bas, et en participant de manière illimitée à la hausse, doit être vu comme un placement risqué. Certes, le fait d’acheter un indice boursier contenant 100 à 500 titres différents, répartis sur plusieurs secteurs, est plus sûr et plus diversifié que d’acheter des actions individuelles. En effet, la volatilité est plus forte si l’on détient une poignée de titres individuels que si l’on détient un indice tout entier, dans lequel la baisse de certains titres peut être compensée par la hausse d’autres titres. Mais en 2022, on a pu voir que des indices aussi vastes que le S&P 500 ou le Nasdaq pouvaient corriger entre 20% et 30% sur un an. À long terme, il est attesté que miser sur l’un des grands indices d’actions est un pari gagnant, mais à condition de ne pas être pressé et d’avoir les moyens de rester investi sur des décennies. À court terme, en revanche, il n’y a pas de garantie. Investir bon marché n’inclut pas la sécurité.