Cet amendement, adopté en troisième lecture par la Douma, prévoit diverses peines de prison pouvant aller jusqu'à 15 ans si des «informations mensongères» entraînent des «conséquences sérieuses» pour les forces armées. Un amendement adopté vendredi prévoit aussi des sanctions pour les «appels à imposer des sanctions à la Russie».
Les autorités russes ont auparavant restreint l'accès aux sites de quatre médias indépendants, dont l'édition locale de la BBC, renforçant encore leur contrôle sur l'information une semaine après le début de l'invasion de l'Ukraine.
Les premières cibles du gouvernement russe sont les médias d'opposition nationaux. À l'image du média télévisuel «Dojd», qui a mis la clef sous la porte aujourd'hui, comme l'indique la rédactrice en chef Natalja Sindejewa dans une vidéo larmoyante publiée sur le site web et sur Instagram.
Elle y affirme que le média n'est plus en mesure de remplir son devoir journalistique étant donné les dernières dispositions. «Nous serions soit obligés de parler de la dernière exposition d'art.... ce sont donc les dernières nouvelles que nous vous promulguons pour l'heure (...). Nous ne savons pas quand ni via quel support nous reviendrons. (...) Mais nous ne nous rendons pas».
Etiquetés de traitres à la nation
La plupart des médias considérés comme étant d'opposition ou d'influence étrangère semblent être dès à présent obligés d'arborer un message sur leurs pages d'accueil. Se dernier se traduit littéralement par: «Ce message (ou matériel) a été créé et (ou) diffusé par un média étranger agissant en tant qu'agent étranger et (ou) une personne morale russe agissant en tant qu'agent étranger.»
Sur son canal Instagram, «Dojd TV» a publié hier l'image de policiers – dont un en civil – pénétrant dans les locaux du média.
Médias internationaux bannis
Selon le régulateur russe des médias (Roskomnadzor), l'accès aux sites des éditions russophones de la BBC et de la radio-télévision internationale allemande Deutsche Welle (DW), du site indépendant Meduza et de Radio Svoboda, antenne russe de RFE/RL, a également été «limité».
Roskomnadzor indique que ces décisions ont été prises à la demande du parquet le 24 février, soit le jour du déclenchement de l'invasion de l'Ukraine par Vladimir Poutine.
Les médias occidentaux de plus en plus inaccessibles
Vendredi matin, les pages d'accueil de la BBC et de Deutsche Welle s'ouvraient par intermittence, mais certains articles consacrés à la guerre en Ukraine étaient inaccessibles, ont constaté des journalistes de l'AFP à Moscou.
Les pages d'accueil de Meduza et de Svoboda étaient complètement inaccessibles.
Dans la nuit de jeudi à vendredi, GlobalCheck, service de veille contre la censure sur internet, avait déjà constaté des problèmes pour accéder à ces sites, ainsi qu'au réseau social Facebook, qui tourne au ralenti depuis plusieurs jours en Russie.
Deutsche Welle, RFE-RL et le service russophone de la BBC sont financés respectivement par Berlin, Washington et Londres. En Russie, leurs journalistes publient régulièrement des enquêtes critiques du Kremlin.
Le mois dernier, Deutsche Welle avait été interdit en Russie et ses reporters contraints d'arrêter de travailler. Mais son site continuait de fonctionner.
Les mots «guerre» et «invasion» bannis
La Russie est régulièrement décrite par les ONG comme l'un des pays les plus restrictifs au monde en matière de liberté de la presse, mais la situation s'est aggravée depuis le début de l'invasion de l'Ukraine par Moscou.
Les autorités russes ont notamment interdit aux médias d'utiliser des informations autres que les déclarations officielles sur ce sujet, et banni l'utilisation de mots comme «guerre» et «invasion».
Jeudi, après le blocage de leurs sites par les autorités, l'emblématique station de radio Ekho Moskvy (Echo de Moscou) a annoncé son auto-dissolution et la chaîne de télévision indépendante Dojd a dit suspendre son activité jusqu'à nouvel ordre.
(ATS/Daniella Gorbunova)