Lundi prochain, 22 membres de différents clubs de motards devront comparaître devant le Tribunal régional de Berne-Mittelland. Deux d'entre eux sont accusés de tentative d'homicide. En cause: une guerre de territoire entre plusieurs gangs. Selon l'acte d'accusation, le club de motards Bandidos, qui n'était pas encore officiellement représenté en Suisse à l'époque, voulait installer dans la banlieue bernoise son premier club en terres suisses.
Ainsi, le 11 mai 2019, des membres de cette organisation se sont présentés à une exposition de motos à Sugiez (FR) dans des vêtements portant leur logo. Les gangs locaux et bien installés que sont les Hells Angels et les Broncos ont alors piqué la mouche, interprétant la présence des nouveaux venus comme une provocation.
Une guerre de territoire
Le soir suivant l'exposition, une fête d'anniversaire aurait eu lieu dans le nouveau local suisse des Bandidos, à Belp (BE). Selon le Parquet, les «Anges de l'enfer» et les Broncos auraient rassemblé leurs hommes aussitôt qu'ils ont eu vent de cette sauterie.
D'après l'accusation, les convives de l'anniversaire auraient aperçu 20 à 30 rivaux sur le parking d'un restaurant à Belp, peu avant 18 heures. La tension serait rapidement montée, poussant les individus présents à dégainer leurs armes.
L'un des prévenus était censé être en prison
La rixe a rapidement dégénéré. Plusieurs personnes ont été blessées, dont trois grièvement. La police a de fait saisi des armes à feu, et a pu interpeller 34 personnes. Seuls deux des prévenus n'avaient jamais fait l'objet d'une procédure auparavant. Les dossiers de dix motards présents ont quant à eux été rapidement classés, faute de preuves suffisantes pour étayer leur participation à la rixe.
Sur les 22 prévenus restants, deux Bandidos doivent répondre, en plus de la rixe, de tentative d'homicide. L'un des principaux accusés a 37 ans, et est déjà en exécution de peine anticipée depuis octobre 2020... pour avoir blessé mortellement un Hells Angel avec une arme à feu: la victime aurait reçu une balle dans l'abdomen.
Une tâche titanesque pour les autorités
Comme le souligne l'avocat André Kuhn, une telle procédure contre autant d'accusés représente un énorme travail pour le Parquet. «Les premières 48 heures sont les plus exigeantes pour les autorités. Dans ce délai, il faut interroger tous les prévenus et déposer des demandes d'arrestation pour chacun d'entre eux», explique l'Argovien, qui a déjà représenté des membres des Hells Angels devant le tribunal.
L'expérience montre que les membres de «ce genre de groupes» refusent généralement de témoigner, explique l'homme de loi: «Il faut comprendre que ce sont des amis, qui passent une grande partie de leur temps libre ensemble. Personne n'aime témoigner contre ses amis.»
Difficiles à coincer
Fait frappant: dans ce genre de procès, l'accusation a souvent été contrainte de baisser les bras au cours des deux dernières décennies. Plusieurs fois, des membres de gangs de motards ont par exemple été reconnus coupables par ordonnance pénale, mais ont ensuite été acquittés devant le tribunal.
«Lorsque le Ministère public juge lui-même, l'expérience montre qu'en cas de doute, le verdict de culpabilité est prononcé», explique l'avocat. Et c'est ce qui pousse souvent les prévenus à faire opposition à l'ordonnance pénale.
Et de poursuivre: «Lors de la procédure, le juge doit pouvoir prouver la culpabilité du prévenu avec certitude absolue: c'est généralement là que réside la difficulté. La simple présence lors d'un délit ne suffit pas à être condamné et souvent, lors de tels événements, les personnes ne peuvent pas être clairement identifiées.» L'absence de témoignages complique évidemment le travail des autorités.
Mais d'une manière générale, André Kuhn estime que l'État n'est pas tendre avec ces motards voyous: «Malgré cela, la plupart du temps – de mon point de vue – ils sont traités plutôt durement, et gardés en détention préventive plus longtemps que d'autres prévenus.» L'avocat ajoute qu'il s'agit sans doute d'une manière de montrer au public que de telles querelles ne sont et ne seront pas tolérées dans notre pays.
La faute au manque de preuves
Pour cet expert des lois, le relatif laxisme des peines dont bénéficient les gangs de motards n'est donc pas à attribuer à une quelconque clémence des autorités, mais plutôt à la difficulté de rassembler des preuves solides.
«Ces personnes sont souvent toutes habillées de manière similaire, et même s'il existe des photos ou des vidéos d'événements, la qualité n'est pas toujours suffisante, affirme André Kuhn. Les autorités font tout leur possible pour mettre au jour de tels délits, mais les délits de groupe dans ce registre sont tout simplement très complexes.»
Le jugement devrait être rendu le 30 juin. Comme toujours en Suisse, les 22 prévenus bénéficient pour l'heure de la présomption d'innocence.
(Adaptation par Daniella Gorbunova)