Recep Tayyip Erdogan menace depuis mai d'une nouvelle offensive sur ces territoires, mais l'attentat survenu le 13 novembre à Istanbul (six morts et 81 blessés), attribué par Ankara aux combattants kurdes du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) et des YPG (Unités de protection du peuple), risque d'accélérer les opérations.
Sur l'attentat d'Istanbul
L'aviation turque a lancé dimanche l'opération «Griffe Épée», une série de raids aériens contre 89 positions du PKK et des YPG dans le nord de l'Irak et de la Syrie, faisant 37 morts en Syrie, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
Roquettes lancées
Lundi, le président turc a affirmé qu'il n'était «pas question que cette opération soit uniquement limitée à une opération aérienne», faisant état de «consultations» pour décider de «la puissance qui doit être engagée par nos forces terrestres».
Au même moment, des roquettes lancées depuis la Syrie tuaient un enfant et une jeune enseignante à Karkamis (sud-est), ville turque située à la frontière syrienne. «Nous ferons payer ceux qui nous dérangent sur notre territoire», a lancé Recep Tayyip Erdogan.
Les déclarations du président turc ont donné lieu à des appels au calme de Washington et Moscou, également impliqués dans la guerre en Syrie, qui a fait près d'un demi-million de morts depuis 2011.
«Nous appelons à la désescalade en Syrie pour protéger les civils et soutenir l'objectif commun de vaincre l'Etat islamique», a plaidé mardi soir le porte-parole du département d'Etat américain Ned Price.
La communauté internationale réagit
«Nous continuons à nous opposer à toute action militaire non coordonnée en Irak qui viole la souveraineté [du pays]», a-t-il ajouté dans un communiqué.
Les Etats-Unis ont soutenu les YPG, la principale milice kurde de Syrie, dans la lutte contre les djihadistes du groupe Etat islamique (EI), leur permettant de reprendre le contrôle de Kobané en 2015.
La Russie a également dit mardi «espérer» que la Turquie ferait preuve de «retenue» et se garderait de «tout usage excessif de la force» en Syrie.
«Nous appelons toutes les parties à se garder de toute initiative qui pourrait mener à une grave déstabilisation de la situation globale», a déclaré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.
Davantage de retenue demandée
Lundi, Berlin et Paris avaient eux aussi appelé respectivement Ankara à agir de façon «proportionnée» et à «manifester davantage de retenue».
En réponse, la Turquie a exigé mardi que ses alliés, Etats-Unis en tête, «cessent tout soutien» aux combattants des YPG qu'elle considère comme terroristes.
«Nous affirmons à tous nos interlocuteurs, les Etats-Unis notamment, que les YPG sont équivalentes au PKK (reconnu comme terroriste par la Turquie et ses alliés occidentaux), et nous exigeons d'eux avec force que cesse tout soutien aux terroristes», a martelé mardi le ministre turc de la Défense Hulusi Akar.
Bientôt les élections
Les Forces démocratiques syriennes (FDS), coalition dominée par les YPG, ont eux affirmé mardi concentrer leurs efforts sur une «désescalade».
Entre 2016 et 2019, la Turquie a mené trois opérations d'envergure dans le nord de la Syrie contre les milices et organisations kurdes. Ankara répète vouloir créer une «zone de sécurité» de 30 km de large le long de sa frontière sud.
«Les conditions sont réunies pour une offensive particulièrement vigoureuse contre le PKK/YPG, à l'approche des élections présidentielle et législatives» de juin 2023, estime Anthony Skinner, analyste indépendant et expert de la Turquie, rappelant qu'Erdogan a déjà utilisé la «carte sécuritaire» à l'approche de précédents scrutins.
«Erdogan veut renforcer le soutien à son parti AKP et à ses alliés du (parti nationaliste) MHP. Il joue donc la carte nationaliste et sécuritaire. D'où le bruit actuel», affirme-t-il à l'AFP
(ATS)