Les avocats de Giorgia Meloni ont pour leur part demandé des dommages-intérêts d'un montant de 75'000 euros, estimant que «l'accusé a utilisé un langage excessif, vulgaire et agressif». «Je suis jugé pour mes paroles critiquant les mensonges populistes de ces dernières années contre les ONG (de sauvetage en Méditerranée) et les migrants», s'est défendu M. Saviano dans un message posté jeudi sur X.
Dans ce procès en première instance ouvert en novembre 2022, le journaliste et écrivain, auteur du best-seller international sur la mafia napolitaine «Gomorra», risque théoriquement jusqu'à trois ans de prison, mais le dernier mot reviendra au juge présidant le procès, dont la décision est attendue dans la journée.
«Vous êtes des salauds»
«Le fait que ce procès ait été initié par Meloni, la Première ministre italienne, fait figure de dangereux avertissement pour les écrivains et journalistes, suggérant que leurs paroles pourraient conduire à de longues batailles judiciaires (...) et à un possible emprisonnement», s'est inquiété jeudi sur X l'association d'écrivains PEN International, qui défend la liberté d'expression.
L'affaire jugée jeudi remonte à décembre 2020 lorsqu'il avait été demandé à Roberto Saviano, invité d'une émission politique, un commentaire sur la mort dans un naufrage d'un bébé de six mois venant de Guinée.
Ce nourrisson, Joseph, qui était l'un des 111 migrants secourus par le navire humanitaire Open Arms, était décédé avant d'avoir pu recevoir des soins médicaux. Dans une vidéo tournée par des sauveteurs et montrée à Roberto Saviano lors de l'émission, on peut entendre la mère du bébé pleurer. L'écrivain, visiblement bouleversé, avait alors pointé du doigt Mme Meloni et Matteo Salvini, le chef de la Ligue anti-immigration aujourd'hui vice-Premier ministre: «Je veux juste dire à Meloni, et à Salvini, vous êtes des salauds! Comment avez-vous pu?»
Dommages et mensonges
Giorgia Meloni avait déclaré en 2019 que les navires d'ONG humanitaires qui secourent les migrants «devraient être coulés», alors que les migrants sauvés par les ONG ne représentent que 5% du total arrivant en Italie. Matteo Salvini, en tant que ministre de l'Intérieur la même année, avait bloqué l'arrivée de ces navires en Italie. Ce dernier est partie civile au procès.
En novembre 2022, Roberto Saviano avait expliqué avoir utilisé le terme «salaud» pour souligner les dommages causés par les «mensonges» de Giorgia Meloni et Matteo Salvini sur les ONG. «Laisser les gens se noyer n'est pas une opinion politique. Discréditer les navires humanitaires n'est pas une opinion politique, c'est une infamie, et surtout c'est inhumain», avait-il dit.
PEN International avait exhorté en vain dans une lettre ouverte Giorgia Meloni, devenue Première ministre, à retirer sa plainte, déposée lorsque la cheffe du parti post-fasciste Fratelli d'Italia était encore dans l'opposition.
(ATS)