«C'est comme si j’avais arraché mon bien-aimé à la mort.» Ainsi Svitlana décrit à la BBC l’émotion qui l’a submergée en retrouvant son mari Dima. «Nous avons versé des larmes de joie comme jamais auparavant.» Leur fils Vova, âgé de quatre ans, partageait aussi ce bonheur intense de revoir son père.
Pourtant, avant ce moment de bonheur, la chemin fut long. Dima, ancien plombier en Ukraine, a passé plus de deux ans en captivité en Russie, sans aucun contact avec sa femme. Il n'a pas eu de contact avec elle pendant cette période. Durant tout ce temps, la jeune femme n’aspirait qu’à une seule chose: recevoir une preuve que son mari était encore en vie.
Menaces et fausses promesses
Un jour, le téléphone a sonné. «C'était un numéro ukrainien. J'ai décroché et l'homme s'est présenté comme étant un certain Dimitri», explique Svitlana. «Il parlait avec un accent russe.» Dimitri a affirmé qu'il pouvait améliorer les conditions de détention de Dima. Une libération anticipée s'avérait également envisageable.
Mais à une condition: «Vous devez soit incendier un bureau d'enregistrement militaire, soit mettre le feu à un véhicule militaire, soit saboter un panneau électrique des chemins de fer ukrainiens», a déclaré l'homme à l'autre bout du fil. En d'autres termes, Svitlana devait commettre un attentat contre son pays, saboter l'Ukraine.
«Mon mari ne me l'aurait jamais pardonné»
«Pas une seconde», elle n'y a pas pensé, raconte Svitlana à la BBC dans son appartement près de Kiev. «Mon mari ne me l'aurait jamais pardonné.» Au lieu de cela, elle a enregistré toutes les autres conversations avec Dimitri et a pris contact avec les autorités ukrainiennes. Celles-ci avaient mis en garde la population contre les agents russes.
Svitlana a donc fait semblant de préparer un attentat à la bombe incendiaire sur une ligne de chemin de fer locale. Les instructions via Telegram n'ont pas tardé à suivre: «Versez un litre d'alcool à brûler et ajoutez un peu d'essence», a expliqué Dimitri. Lors de l'attentat, il lui conseille de porter un chapeau «juste au cas où».
«Il a dit qu'ils allaient tuer mon mari»
Lorsque le service de sécurité ukrainien SBU ordonne finalement à Svitlana de couper le contact, les menaces ont déjà commencé: «Il a dit qu'ils allaient tuer mon mari et que je ne le reverrais plus jamais.» Pendant des jours, Dimitri n'a cessé d'appeler: «Votre mari est actuellement torturé et c'est de votre faute!»
Petro Yatsenko, du quartier général pour le traitement des prisonniers de guerre de l'armée ukrainienne, affirme qu'environ 50% des familles de prisonniers de guerre sont contactées par des agents russes. «Ils sont dans une situation très vulnérable et certains d'entre eux sont prêts à faire n'importe quoi», dit-il. «Mais nous essayons de leur faire comprendre que même s'ils coopèrent, cela ne sert à rien».
Pour Svitlana, ce n'était qu'une maigre consolation. Que se passerait-il si Dima était finalement torturé, ou tué? «Comment pourrais-je alors vivre avec moi-même?» Lorsque Dima est revenu de captivité, il a pu rassurer sa femme. Les Russes n'avaient pas mis leurs menaces à exécution.