Le Parlement européen vote mercredi sur une proposition d'assouplissement réglementaire pour les végétaux issus de biotechnologies génomiques - promesse de semences plus résistantes, selon leurs partisans, «nouveaux OGM» potentiellement dangereux, pour leurs détracteurs.
Le texte, qui doit être voté à la mi-journée par les eurodéputés réunis à Strasbourg, vise à exempter une partie des variétés issues de ces «nouvelles techniques génomiques» (NGT) des règles encadrant les organismes génétiquement modifiés (OGM). Ce vote ouvre la voie à de futures négociations avec les Etats membres qui, très divisés, n'ont pas encore arrêté leur position sur le texte.
Variétés résistantes à la sécheresse, aux insectes ou aux maladies, blé pauvre en gluten, meilleurs rendements... Autant d'horizons ouverts par les NGT, kyrielle d'outils «éditant» le matériel génétique des plantes en désactivant un gène ou en transférant des gènes issus d'une même espèce, mais sans ajout extérieur, contrairement aux OGM «transgéniques». Des semences et variétés manipulées par NTG peuvent donc présenter des modifications susceptibles de se produire naturellement ou via des croisements traditionnels.
Dans ce cas, la nouvelle législation prévoit que les règles drastiques encadrant les OGM (longue procédure d'autorisation, études d'impact sanitaire, traçabilité, étiquetage, surveillance...) ne s'appliqueraient pas. Il s'agirait de NGT de «catégorie 1», définies notamment par un nombre restreint de mutations. Toutes les autres variétés NGT ("catégorie 2"), jugées non-équivalentes au conventionnel, resteraient soumises au régime OGM, avec notamment l'étiquetage obligatoire.
«Nos agriculteurs vivent une période difficile, confrontés aux inondations, aux sécheresses, qui affectent la qualité et l'ampleur des récoltes», a exposé mardi l'eurodéputée suédoise (PPE, droite) Jessica Polfjärd, rapporteuse du texte au Parlement.
«Compétitivité»
Pour elle, les NGT peuvent «renforcer la compétitivité de l'agriculture européenne et augmenter la production alimentaire» du continent.
Dans sa proposition législative, la Commission européenne souhaitait évaluer ultérieurement les questions de propriété intellectuelle, en laissant ainsi ouverte la possibilité que des brevets soient déposés sur les plantes modifiées par NGT.
Les eurodéputés, eux, dans le compromis voté en commission parlementaire, entendent «interdire totalement les brevets sur tous les végétaux NGT», «afin d'éviter les incertitudes juridiques, l'augmentation des coûts et de nouvelles dépendances pour les agriculteurs et les éleveurs».
D'autres sujets ont suscité d'importants désaccords entre les différentes formations politiques du Parlement : notamment les règles d'étiquetages et l'éventuel octroi du label «bio» à des variétés NGT.
«Etiquetage clair»
Jugeant les garde-fous insuffisants, la gauche et les Verts appellent de leur côté à renforcer les mesures isolant les cultures NGT, à durcir les exigences de traçabilité et de méthodes de détection, tout en réclamant l'étiquetage systématique des produits NGT.
«Il faut un étiquetage clair pour que les agriculteurs bio puissent continuer à travailler, que les consommateurs aient le choix, qu'ils puissent lire sur l'étiquette ce qu'ils achètent», a martelé l'élu écologiste allemand Martin Hausling. «Je suis pour l'innovation, pour une législation NGT : elles sont utiles. Mais je me refuse à jouer à l'apprenti-sorcier», a abondé le socialiste Christophe Clergeau, appelant à «protéger les filières non-OGM».
Il a pointé l'avis publié en décembre par l'agence sanitaire française Anses : elle a estimé que les NGT «peuvent conduire à des modifications des fonctions biologiques des plantes» non prises en compte dans le texte et potentiellement «induire des risques pour la santé et l’environnement». «Voter ce texte c'est aller contre le droit des citoyens à choisir leur alimentation, c'est tuer la filière biologique, tuer la culture paysanne en enlevant la diversité de productions», estime Sylvie Colas, secrétaire nationale de la Confédération paysanne.
(AFP)