La paix civile mise à rude épreuve
En Syrie, les massacres menacent le nouveau gouvernement

Les affrontements récents en Syrie occidentale révèlent les défis auxquels fait face le président par intérim Ahmad al-Chareh. Les analystes s'inquiètent de la faiblesse du nouveau pouvoir face aux milices armées.
Publié: 15:20 heures
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Dernière mise à jour: 16:41 heures
Le gouvernement de Ahmad al-Chareh est sous pression.
Photo: AFP

Les violences ayant frappé ces derniers jours la Syrie, les pires depuis l'éviction de Bachar al-Assad, constituent une menace majeure pour la transition dans le pays, les massacres de civils faisant douter de la capacité des nouvelles autorités à gouverner, estiment des analystes. Des affrontements ont éclaté jeudi entre d'un côté les forces de sécurité des nouvelles autorités et des groupes armés alliés, et de l'autre des hommes armés fidèles à Bachar al-Assad dans l'ouest de la Syrie, un bastion de la communauté alaouite, une minorité musulmane dont est issu l'ancien président. «Le chaos des milices que nous avons vu dans les villes côtières alaouites nous indique (...) que la nouvelle armée syrienne n'a pas le contrôle», juge Joshua Landis, expert de la Syrie à l'Université d'Oklahoma.

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Les Kurdes, les Druzes et les autres minorités ne croiront pas ses paroles
Joshua Landis, expert de la Syrie
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Ces violences, selon lui, «entraveront les efforts du président par intérim, Ahmad al-Chareh, pour consolider son pouvoir et convaincre la communauté internationale qu'il contrôle la situation et qu'il peut maîtriser les nombreuses milices qui sont censées être sous son commandement». Selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), les violences ont coûté la vie à 973 civils, majoritairement issus de la communauté alaouite, tués lors d'exécutions dans les provinces côtières de Lattaquié et Tartous.

Une commission d'enquête en cours

Les autorités ont annoncé la formation d'une «commission d'enquête indépendante» sur «les exactions contre les civils», afin d'en identifier les responsables et de les «traduire en justice». Ahmad al-Chareh, qui dirigeait avant sa prise du pouvoir en décembre le groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS), a appelé dimanche à préserver la paix civile. HTS est l'ancienne branche syrienne d'Al-Qaïda qui dit avoir rompu avec le jihadisme, sans réellement convaincre les chancelleries occidentales.

Pour Heiko Wimmen, du groupe de réflexion International Crisis Group, ces violences prouvent que la nouvelle administration «n'a pas la capacité de relever plusieurs défis simultanément». Depuis le renversement d'Assad, la région côtière a été secouée par des vagues de violence, avec de nombreux témoignages d'enlèvements et de fusillades. Si les derniers événements «ne posent pas encore de défi stratégique», ils «pourraient (...) piéger les nouveaux dirigeants dans un cycle de violence» qui a «le potentiel de devenir très déstabilisant», analyse M. Wimmen. Joshua Landis souligne de son côté que l'opposition alaouite «n'est ni organisée ni unie», mais qu'après «les massacres aveugles et les pillages généralisés des quartiers alaouites (...), la situation va se durcir».

L'Occident a condamné les massacres

Depuis son arrivée au pouvoir, la nouvelle administration a noué des contacts au plus haut niveau avec des puissances étrangères, s'engageant à plusieurs reprises à protéger les minorités ethniques et religieuses en Syrie. Mais Aron Lund, du groupe de réflexion Century International, estime que le nouveau gouvernement «est faible et otage de forces qui échappent à son contrôle». 

«Il doit bien se comporter avec la communauté internationale, mais il doit aussi garder sa base islamiste de son côté», ajoute-t-il. Plusieurs pays occidentaux, y compris les Etats-Unis, ont condamné les récents massacres, appelant les autorités à y mettre un terme. Mais même si «les affrontements s'apaiseront probablement (...), il existe un risque qu'ils ne préparent simplement le terrain pour la prochaine escalade», averti Joshua Lund.

Appel à la retenue

Les nouveaux dirigeants «ont appelé à la retenue et mis en garde contre le communautarisme, et c'est une bonne chose (...). Le problème, c'est que ces discours modérés ne semblent pas avoir été entendus par les ex-factions rebelles qui sont maintenant censées fonctionner comme l'armée et la police.» En Syrie, les autorités sont confrontées à d'autres défis en matière de sécurité, surtout qu'elles ont affiché leur détermination à dissoudre les groupes armés du pays. 

Les puissantes forces kurdes contrôlent de vastes pans du nord-est et du nord, alors que dans le sud, des factions druzes ont conservé leurs armes malgré les appels au désarmement et que Israël affirme vouloir les protéger. Bien que le président tente d'apaiser les craintes des minorités, les meurtres de civils risquent de les aggraver encore. Selon Joshua Landis, «les Kurdes, les Druzes et les autres minorités ne croiront pas ses paroles selon lesquelles son gouvernement respecte tous les éléments du peuple syrien et les traitera de manière égale». Le nombre de mort s'élève désormais à 1'068 civils tués.

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