Victoire historique du FPÖ
L'Autriche bascule à l'extrême-droite: les vraies et les fausses peurs

La victoire historique du parti d'extrême-droite FPÖ et de son leader Herbert Kickl ne doit pas être interprétée comme un grand basculement du pays dans l'inconnu. Au contraire. En réalité, les Autrichiens votent comme la plupart des Européens, estime notre journaliste.
Publié: 29.09.2024 à 22:30 heures
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Des partisans du Parti de la liberté d'Autriche (FPÖ) agitent des drapeaux lors du rassemblement électoral du parti à Vienne, Autriche, 27 septembre 2024. Ce dernier est sorti victorieux des urnes ce dimanche.
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Richard WerlyJournaliste Blick
Le leader du FPÖ Herbert Kikl aura beaucoup de mal à accéder à la Chancellerie. Tous les autres partis le boycottent.
Photo: IMAGO/dts Nachrichtenagentur

Il faudra bien s’y habituer. Les observateurs peuvent le déplorer. Les électeurs de la droite traditionnelle, du centre et de la gauche peuvent le regretter, voire s’en indigner. Une partie de la jeunesse peut continuer de manifester. La réalité est que la victoire historique en Autriche du parti de la liberté (FPÖ), la formation d’extrême-droite fondée par d’anciens nazis, n’a rien d’une surprise.

Tout, du rejet massif de l’immigration à l’affrontement géopolitique avec la Russie en raison de la guerre en Ukraine, concourait à ce score historique de 29,6%, nettement devant les 26,2% du parti conservateur au pouvoir et les 20,4% des sociaux-démocrates.

La vague nationale populiste européenne est donc de retour à Vienne où, rappelons-le, ce parti d’extrême-droite discrédité à plusieurs reprises par des scandales a déjà participé trois fois au gouvernement, en 1983 (en coalition avec les sociaux-démocrates!), 2000 et 2017. L’alliance de l’an 2000, alors que le FPÖ était dirigé par le flamboyant Jörg Haider (décédé en 2008 dans un accident de voiture), avait alors déclenché une indignation générale au sein de l’UE, assortie de sanctions communautaires.

Résultat: un soubresaut de protestations enterrées ensuite devant la realpolitik, et une fidélisation de l’électorat d’extrême-droite que même le procès en 2021 pour corruption de l’ex vice-chancelier Heinz Christian-Strache, ex-leader du parti (condamné à un an de prison) n’a pas découragé.

Conditions imposées au FPÖ

Faut-il avoir peur de ce résultat pour la Suisse, pays voisin très lié à l’Autriche, et pour l’Union européenne où le nouveau commissaire autrichien Magnus Brunner – ministre sortant des Finances – sera chargée de l’immigration? La réponse est non.

D’abord parce que les partis qui accepteront peut-être de gouverner avec le FPÖ mettront évidemment des conditions, y compris la non-participation de son leader au gouvernement. Ensuite parce qu’un pays de neuf millions d’habitants situé au cœur du continent, sans frontières avec la Méditerranée ou avec l’Ukraine, n’est pas en position de mener une quelconque coalition au sein de l’UE.

Pouvoir d’achat, migrants, Russie

La véritable inquiétude devant ce résultat est ailleurs: dans l’incapacité des partis hostiles au credo national populiste à enrayer cette vague dont les ténors européens se nomment Viktor Orbán (Hongrie), Giorgia Meloni (Italie) et Marine Le Pen (France).

Ce que démontre l’Autriche, pays encore neutre comme la Suisse, est que rien n’est en mesure, pour l’heure, de stopper la combinaison fatale du découragement causé par la baisse du pouvoir d’achat, de la xénophobie attisée par l’intégration trop difficile des migrants pourtant nécessaires à nos économies, et de la peur engendrée par les menaces de Vladimir Poutine.

Les Allemands de l’est qui ont voté pour l’AFD (extrême-droite) et pour le parti de Sarah Wagenknecht (gauche radicale anti migrants et pro russe) ont précédé les Autrichiens le 1er septembre. Il s’agit donc bien d’une vague, contre laquelle nos digues démocratiques peuvent se fracasser.

Peur sociale et politique

La vraie peur est sociale et politique. Ces partis n’ont pas, dès lors qu’ils respectent toutes les lois démocratiques, à être diabolisés. Mais tout doit être fait pour éviter qu’une fois au pouvoir, ils s’attaquent à l’État de droit, piétinent les engagements européens pris, et nuisent à l’ensemble de l’UE par leur cavalier seul vis-à-vis du Kremlin.

Pour faire simple: le modèle Orban, en Hongrie, fait d’une main mise sans partage du parti vainqueur sur les médias, les institutions publiques, la justice et les grands conglomérats, est celui qu’il faut combattre sans relâche. Une grande partie des électeurs autrichiens d’extrême droite ont voté par réflexe défensif de leur identité et de leurs frontières. Les entendre est indispensable.

Recomposer le gouvernement en conséquence peut être justifié. A condition de ne pas laisser le FPÖ prendre l’Autriche en otage, au risque de mettre en danger ses voisins. Et, par voie de conséquence, l’Union européenne et ses partenaires, dont la Suisse.

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