Le président autrichien a demandé lundi au chef de l'extrême droite Herbert Kickl de trouver une majorité pour gouverner, une première dans l'histoire du pays alpin, après l'échec des négociations entre conservateurs, sociaux-démocrates et libéraux.
Il s'est exprimé après une rencontre d'un peu plus d'une heure avec le responsable d'extrême droite, ajoutant qu'il n'avait «pas été facile de prendre» une telle décision. Si le Parti autrichien de la liberté (FPÖ) a déjà participé au pouvoir en tant que partenaire minoritaire, il n'a jamais occupé la chancellerie dans cet Etat membre de l'UE de neuf millions d'habitants.
Avant le scrutin, M. Van der Bellen n'avait pas caché ses réticences envers Herbert Kickl, qui l'a par le passé traité de «momie sénile». Et le chef d'Etat octogénaire avait préféré en octobre choisir le chancelier conservateur sortant Karl Nehammer pour mener les négociations, contrairement à l'usage qui réserve normalement ce droit au parti vainqueur.
Mais l'échec des négociations menées avec les sociaux-démocrates et les libéraux, suivi de la démission annoncée de M. Nehammer, farouche opposant à M. Kickl, ont changé la donne, dans un spectaculaire rebondissement sur fond de montée des forces nationalistes en Europe.
«Nazis dehors»
Le nouveau chef par intérim des conservateurs, Christian Stocker, s'est dit ouvert à des pourparlers avec l'extrême droite, les deux partis partageant des positions proches sur l'économie et l'immigration.
Les conservateurs autrichiens se sont déjà alliés deux fois au FPÖ, en 2000 et en 2017, dans un pays qui a brisé le tabou de l'extrême droite bien avant le reste de l'Europe. L'extrême droite participe par ailleurs actuellement à quatre des neufs gouvernements régionaux. «Les voix au sein de l'ÖVP qui excluaient de travailler avec (...) Kickl se sont fait beaucoup plus discrètes», a commenté dimanche le président.
Confier au FPÖ le soin de mener des négociations est lourd de symbole: c'est une première depuis 1945 pour cette formation fondée par d'anciens nazis et dirigée par un homme qui veut se faire appeler Volkskanzler, le «chancelier du peuple» - comme Adolf Hitler, natif d'Autriche, même s'il se défend de toute référence nazie.
Des centaines de manifestants se sont rassemblés lundi devant le palais de la Hofburg, siège de la présidence, criant «Nazis dehors».
Ligne dure
Herbert Kickl, 56 ans, a pris la tête du FPÖ en 2021 et en jouant la carte conspirationniste face aux restrictions anti-Covid, il a su faire oublier les scandales de corruption qui avaient laminé son prédécesseur.
Nerveux, toujours dissimulé derrière une barbe de trois jours, il a opté pour une ligne dure, opposée aux médias, aux LGBT+, à l'Europe et aux élites, loin de toute stratégie de dédiabolisation. Cet ex-ministre de l'Intérieur ménage par ailleurs la Russie malgré l'invasion de l'Ukraine.
Petites lunettes rondes et silhouette de marathonien, l'ancien étudiant en philosophie et en histoire assume également sa proximité avec les identitaires contre un ennemi commun: l'islam.
Il parle sans s'excuser de «remigration» - un projet anticonstitutionnel de déchéance de nationalité et d'expulsion des Autrichiens d'origine extra-européenne - et a l'insulte facile envers ses adversaires.