Une nouvelle Taylor Swift?
Sabrina Carpenter, la pin-up de la génération TikTok

En concert à Zürich le 27 mars, la chanteuse américaine fera probablement un carton plein. Entre chansons qui célèbrent la sexualité féminine libérée et look rétro, portrait d’une artiste qui parle avec humour et décontraction aux jeunes femmes de sa génération.
Publié: 22.03.2025 à 08:25 heures
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Dernière mise à jour: 22.03.2025 à 09:48 heures
En concert à Zürich le 27 mars, Sabrina Carpenter fera probablement un carton plein.
Photo: WireImage
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Margaux BaralonJournaliste Blick

C’est le moment que tout le monde attend pendant ses concerts. Lorsque Sabrina Carpenter entonne «Juno» sur scène, les téléphones portables sont tous de sortie. Le public sait que l’Américaine, qui s’adresse dans cette chanson à un homme si «hot» qu’elle rêve de lui passer des «menottes roses en peluche», a l’habitude de mimer une position sexuelle entre deux couplets. Lundi dernier, le 17 mars, la popstar, déchaînée en petit ensemble vert à paillettes, s’est adaptée à son public parisien avec… une tour eiffel. Pour celles et ceux qui ignorent à quoi cela ressemble, sachez simplement que cela nécessite d’être trois.

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Voilà un an que Sabrina Carpenter impose dans le paysage musical ses paroles décomplexées, ses accords pop sucrés et une image de pin-up savamment entretenue. Attendue le 27 mars au Hallenstadion à Zürich, la jeune chanteuse y attirera des milliers de jeunes, majoritairement des femmes, arborant des bisous rouges peints sur la peau, des vêtements pastels et des strass partout, signes distinctifs des fans. Ce «Short n’ Sweet tour» a de quoi rappeler le «Eras Tour» de Taylor Swift, qui a enflammé l’Europe l’an dernier.

Dans les pas de Taylor Swift

De fait, la comparaison entre Sabrina Carpenter et Taylor Swift est tentante. Les deux sont blondes, font de la pop teintée de country, sont nées et ont grandi en Pennsylvanie à dix ans d’écart. Les deux déplacent des foules, que ce soit dans les salles de concert ou dans les urnes: après des appels lors de sa tournée l’an dernier, la première a poussé 35’000 personnes à s’inscrire sur les listes électorales via la plateforme Head Count. Les deux sont précoces, aussi.

À neuf ans, encouragée par son père cuisinier et sa mère, ancienne danseuse reconvertie en chiropractrice, qui lui construisent même un studio d’enregistrement sous l’escalier de leur maison, Sabrina Carpenter ouvre sa première chaîne YouTube. Elle y poste des reprises… de Taylor Swift. Quinze ans plus tard, la première chauffe la scène de la seconde quinze fois en tournée, et lui emprunte aussi son auteur-compositeur fétiche, Jack Antonoff. «J’ai toujours été amoureux de sa voix», explique ce dernier à «Variety». «Il y a un truc avec les plus grandes voix, qui vous fait simplement arrêter de penser à ce qui est en train de se passer. Il n’y en a pas beaucoup. Donc quand vous en entendez une, vous ne l’oubliez jamais.»

Bébé Disney émancipé

Ce n’est pourtant pas avec la chanson que Sabrina Carpenter commence sa carrière. Au départ, elle tente sa chance en tant qu’actrice. Figurante dans un épisode de «New York, unité spéciale», l’adolescente d’une petite quinzaine d’années à l’époque décroche ensuite des rôles dans des séries Disney, dont elle commence à signer également les bandes originales. Comme beaucoup de jeunes célébrités américaines, Miley Cyrus ou Zendaya, entre autres, le groupe aux oreilles de Mickey lui sert de tremplin. Et comme beaucoup d’autres, toujours les mêmes, Sabrina Carpenter comprend qu’il lui faut s’en affranchir si
elle veut donner une autre dimension à sa carrière.

Ce sera fait en 2021, après quatre albums et une dizaine de rôles sur le petit écran. À seulement 22 ans, Sabrina Carpenter sort «Emails I Can’t send», un album qu’elle-même qualifie de «triste» auprès du «Time». «J’ai réalisé que je voulais faire quelques erreurs. Je voulais être sûre d’être encore jeune tant que je suis jeune. Si tu traverses l’existence en essayant d’être un petit robot parfait, tu vas avoir beaucoup de regrets plus tard.»

L’explosion caféinée

C’est à ce moment-là que la chanteuse travaille son image de marque, qu’elle garde encore aujourd’hui: des boucles blondes tout droit sorties des années 1960, des sous-vêtements roses bonbon et un sacré sens de l’humour, notamment sur sa petite taille, elle plafonne à 1,52m. Ses années d’actrice lui permettent de trouver une présence scénique suffisante, elle qui, en première partie de Taylor Swift, n’a ni scénographie ni danseurs pour l’accompagner.

Tout prend une autre dimension en avril 2024, lorsque le tube «Espresso» débarque sur les plateformes de streaming… et sur TikTok. La musique entêtante est reprise sur des dizaines de vidéos, qui en modifient aussi le rythme pour le ralentir, une version «decaffeinato» voit même le jour. Quelques jours plus tard, Sabrina Carpenter emballe le tout en concert au cours du célèbre festival américain Coachella. La suite se mesure en chiffres vertigineux, avec le milliard de streams de la chanson dépassé et un autre tube, «Please, please, please», qui enfonce le clou. À moins de l’avoir passé dans une grotte, tout le monde a dansé sur l’album «Short n’ Sweet» de Sabrina Carpenter à l’été 2024.

Une femme qui s’adresse aux femmes

Il faut dire que la jeune femme a les deux talons aiguilles plantés dans son époque. Outre un «Espresso» aux rythmes taillés pour les réseaux sociaux, elle suit la mode de paroles qui ne cachent rien de ses désirs charnels ou de ses déceptions amoureuses. «Taylor Swift a ouvert une brèche dans laquelle se sont engouffrés Chappell Roan, Charli XCX ou Sabrina Carpenter», analyse Spencer Kornhaber, critique musical pour la revue américaine «The Atlantic», auprès du «Monde». «Depuis le printemps, les charts sont dominés par des femmes s’adressant principalement aux femmes, une rareté dans l’histoire de la musique pop.»

«
«Parfois, les mecs vous gênent. C’est normal.»
»

La principale intéressée le confirme au «Time» à propos de la chanson «Please, please, please», qui raconte l’histoire d’une jeune femme coincée dans une relation avec un petit ami embarrassant en public: son public, majoritairement féminin, s’identifie complètement. «Je suis directe et franche», explique celle qui l’est tellement d’ailleurs qu’elle a tourné le clip de cette chanson avec son petit ami dans la vie à l’époque, l’acteur irlandais Barry Keoghan (vu notamment dans «Saltburn»). «Je ne vois pas pourquoi on ferait toutes semblant alors que ce sont des choses qui arrivent. Parfois, les mecs vous gênent. C’est normal. Et cela parle aux filles qui ont bien le droit de retourner avec quelqu’un qui ne leur convient pas. Il est humain de faire ce genre d’erreurs, et même de les répéter.»

Se réapproprier l’image de la bimbo

Humain, aussi, de vouloir plaire. Son look de poupée, que Sabrina Carpenter doit bien plus à sa véritable idole, Dolly Parton, qu’à Taylor Swift, signe le retour à la mode de la tendance pin-up, dans le sillage de la sortie du film «Barbie». «La féminité est quelque chose que j’ai toujours embrassé», explique la chanteuse au «Time». «Et si, aujourd’hui, cela rime avec corsets, porte-jarretelles et déshabillés, alors ça rime avec ça.» En 2025, la sexualisation est choisie et non subie, l’image de la bimbo est réappropriée. Et ne va pas sans cervelle, comme le chante Sabrina Carpenter dans «Lie to Girls»: «I’m stupid but I’m clever», littéralement:

«
«Je suis stupide mais je suis maligne»
»

La chanteuse n’est pas la première à jouer de cette image. Madonna l’avait fait dans les années 1990. Britney Spears la décennie suivante. Sabrina Carpenter sait ce qu’elle leur doit, elle a même porté une robe déjà arborée par la première sur le tapis rouge de la dernière cérémonie des MTV Video Music Awards. Mais il faut croire que le chemin n’est toujours pas totalement balisé. Ce n’est d’ailleurs pas propre à l’Amérique trumpiste où, confie l’artiste, «tu as toujours parfois la maman qui a une opinion très arrêtée sur les vêtements que tu devrais porter». Au Royaume-Uni, deux producteurs de musique de plus de 70 ans critiquaient vertement, il y a quelques semaines dans le «Sun», une femme qui nuit à la cause du féminisme en ne portant que des tenues légères. Et après ses deux concerts parisiens, un reportage publié par le média en ligne Brut a attiré des dizaines de commentaires misogynes.

«Honnêtement, la chose la plus effrayante au monde est de monter sur scène devant autant de personnes», répondait déjà la chanteuse dans les colonnes du «Time». «Si la seule chose qui m’aide à y parvenir est le fait d’être à l’aise dans mes vêtements, alors je sais que c’est ce que je dois faire.» Le public qui viendra assister à son show à Zürich le 27 mars est donc prévenu: il y aura bien des corsets, des portes-jarretelles, des paillettes et des poses lascives. Reste à savoir laquelle Sabrina Carpenter choisira sur sa chanson «Juno».

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