Une Burkinabée témoigne du putsch dans son pays
«On ne sait plus qui croire pour notre sécurité»

Qui dirige le Burkina Faso? La confusion régnait à Ouagadougou après une déclaration de l'armée ne reconnaissant pas la prise du pouvoir vendredi par des militaires. La situation est toujours tendue. Une habitante témoigne pour Blick de son inquiétude grandissante.
Publié: 02.10.2022 à 09:18 heures
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Dernière mise à jour: 04.09.2023 à 21:32 heures
Les manifestants avaient pris possession des rues dans la capitale ce samedi.
Photo: Habitante Ouagadougou
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Mathilde JaccardJournaliste Blick

Vendredi, le Burkina Faso connaissait un second coup d'Etat en l'espace de huit mois. Le nouvel homme placé au pouvoir par la junte est Ibrahim Traoré, un jeune capitaine militaire de 34 ans. Il remplace le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, arrivé lui-même au pouvoir par un putsch fin janvier 2022. 

Et si le calme semblait revenir samedi matin dans les rues de Ouagadougou, dont les principaux axes étaient encore bloqués par les militaires la veille, la population n'est pas tranquille pour autant. En cause: les tirs continuaient de résonner dans la journée de samedi, témoigne une habitante de la capitale du Burkina Faso pour Blick. 

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«Depuis 13h, les tirs ont repris. Les hélicoptères et les coups de feu ont agité la ville jusqu'à 18h.» La jeune femme, qui habite proche du camp militaire de la capitale, a du fuir son domicile qui a été pris pour cible. Ses murs sont criblés et transpercés par des balles. «Je suis tellement inquiète. J'ai dû me réfugier chez une amie, car on a tiré sur ma maison. Même le toit s'est effondré.»

Une insécurité constante

La population ne se sent plus en sécurité. Les attaques meurtrières des djihadistes deviennent fréquentes, causant toujours plus de morts. Pour la jeune femme, «rien n'est fait pour sécuriser le pays. Même si les putschistes tentent de nous rassurer, le pays est devenu dangereux.»

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Voici les balles que la jeune femme a retrouvé dans son domicile.
Photo: Habitante Ouagadougou

Dans un message audio sur WhatsApp, la Burkinabé semble désemparée face à la situation. «Tout est devenu si compliqué. On va attendre demain pour voir comment les choses se passent ici. Mais il y a eu déjà tellement de morts. On ne sait plus qui croire pour notre sécurité.»

A l'ouest du pays, à Bobo Dioulasso, la ville est également agitée par des manifestations. Après avoir mis le feu à l'Institut français, les manifestants ont gagné les rues. Encore dans la soirée, des centaines de Burkinabés criaient leur colère. Des voitures ainsi que des containers ont été incendiés.

Des manifestations avaient encore lieu samedi soir dans la ville de Bobo Dioulasso à l'ouest du pays.
Photo: Habitant Bobo Dioulasso

Tensions entre la junte et l'armée

Les tensions entre la junte au pouvoir et l'armée sont toujours palpables. Dans sa première réaction depuis vendredi soir, l'Etat-major général des Armées a reconnu traverser «une crise interne», mais indiqué que les «concertations» se poursuivaient. «Quelques unités ont pris le contrôle de certaines artères de la ville de Ouagadougou», ajoute le communiqué, qui précise que cette tension «ne représente pas la position de l'institution».

De leur côté, les putschistes ont affirmé samedi après-midi dans une allocution télévisée que le colonel Damiba préparait une «contre-offensive» depuis «la base française de Kamboinsin», un camp militaire proche de Ouagadougou où des forces spéciales françaises forment leurs homologues burkinabés.

Mais le ministère des Affaires étrangères français a «démenti formellement toute implication dans les évènements en cours depuis hier au Burkina». «Le camp où se trouvent nos forces françaises n'a jamais accueilli Paul-Henri Sandaogo Damiba, pas davantage que notre ambassade», a poursuivi Paris. Pour l'heure, le sort et la localisation du colonel Damiba restent inconnus.

Selon plusieurs sources sécuritaires, ce coup de force révèle de profonds désaccords au sein de l'armée, l'unité d'élite des «Cobras» déployée dans la lutte antijihadiste ayant reproché notamment au colonel Damiba de ne pas mobiliser toutes les forces sur le terrain.

«Un changement anticonstitutionnel de gouvernement»

Samedi, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Gutteres, a «fermement» condamné dans un communiqué «toute tentative de prise de pouvoir par la force des armes».

L'Union africaine (UA) a elle dénoncé un «changement anticonstitutionnel de gouvernement» et l'Union européenne (UE) estimé que le coup de force mettait «en danger les efforts engagés depuis plusieurs mois» pour la transition.

Pour l'heure, les nouveaux putschistes n'ont pas indiqué s'ils comptaient respecter ce calendrier de transition.

(avec ATS)

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