Une année après l'explosion meurtrière
Au Liban, rage et douleur pour le 1er anniversaire de l'explosion au port

Dans la douleur et la colère, les Libanais marquent mercredi le 1er anniversaire de l'explosion au port de Beyrouth. Ils pleurent les 214 morts d'une tragédie dont les coupables n'ont toujours pas été jugés et fustigent l'impunité des dirigeants.
Publié: 04.08.2021 à 14:16 heures
L'explosion du port de Beyrouth a fait 214 morts et plus de 6500 blessés.
Photo: Hussein Malla
ATS

Le 4 août 2020, peu après 18h00 locales, la capitale libanaise bascule dans l'horreur: des centaines de tonnes de nitrate d'ammonium, stockées depuis des années dans un entrepôt délabré et «sans mesure de précaution» de l'aveu même du gouvernement, explosent.

Pour le premier anniversaire de la catastrophe, et afin de rendre hommage aux victimes et réclamer justice, les familles et des militants organisent mercredi après-midi marches, veillées aux chandelles et cérémonies religieuses, face au port ou près du Parlement, à proximité.

Mardi soir, des dizaines de Libanais se sont rassemblés, chandelle à la main, dans le quartier de Gemmayzé proche du port, dévasté par l'explosion. Certains tout de noir vêtus, d'autres en blanc, ne pouvant retenir leurs larmes.

Une année après

Une année après, l'émotion n'est pas retombée. Choc, stupeur, dévastation, douleur et colère. 214 morts, plus de 6500 blessés et des quartiers entiers détruits. La catastrophe de trop dans un pays en faillite économique, dirigé par une classe politique qui le laisse couler.

Mercredi également, la France et l'ONU organisent une nouvelle conférence pour apporter une aide humanitaire d'urgence aux plus démunis au Liban, pays englué dans la pire crise socio-économique de son histoire.

«Détresse psychologique»

Même si, un an plus tard, des blessures ont cicatrisé, des quartiers ont été reconstruits, grâce à des ONG et des volontaires — l'Etat ayant rien ou si peu fait —, la nation reste traumatisée.

Une famille sur trois a des enfants montrant encore des signes de «détresse psychologique», indique l'Unicef. Chez les adultes, il s'agit d'une personne sur deux.

Le pape lance un appel

Le pape François a demandé mercredi, lors de sa première audience générale depuis l'opération subie début juillet, «des gestes concrets» pour le Liban.

«Aujourd'hui, je lance un appel à la communauté internationale demandant d'aider le Liban à accomplir un chemin de résurrection avec des gestes concrets, pas avec des mots seulement», a-t-il dit à l'issue de l'audience générale.

Selon des rapports d'agences de sécurité libanaises ou occidentales consultés par l'AFP, le nitrate d'ammonium se trouvait dans un entrepôt où étaient stockés feux d'artifice ou mèches lentes.

Personne n'a été jugé

Parmi les victimes, des pompiers décédés en éteignant le feu, des employés du port ensevelis sous la masse imposante des silos à grain en partie effondrés. Il y avait aussi des automobilistes sur l'autoroute, des habitants chez eux, quand les vitres ont volé en éclat et le mobilier a valsé.

Malgré l'ampleur du drame qui a choqué le monde entier, l'enquête locale n'a enregistré aucun résultat concret et aucun coupable n'a été identifié ou jugé, même si des ex-ministres sont dans le viseur de la justice.

La classe dirigeante est mise en cause. Elle est accusée de tout faire pour torpiller l'enquête et éviter des inculpations, en arguant d'une prétendue immunité. Des familles des victimes, réclamant la levée de ces immunités, ont menacé de «briser les os» de quiconque s'opposerait à leur colère mercredi dans la rue.

Une négligence criminelle?

En un an, l'enquête n'a même pas encore déterminé officiellement les causes de la déflagration. Alors que les autorités elles-mêmes affirment que le nitrate a explosé après un incendie dans le hangar, qui selon des sources de sécurité a été provoqué par des travaux de soudure.

Pour Amnesty International, les autorités ont «entravé de façon éhontée la quête de vérité» et pour Human Rights Watch, «plusieurs autorités ont fait preuve de négligence criminelle».

Une classe politique léthargique

Quasiment inchangée depuis la guerre civile (1975-1990), la classe politique est accusée de négligence, de corruption et d'être complètement déconnectée de la réalité. Même la menace de sanctions européennes ne semble en mesure de la tirer de sa léthargie.

Le pays attend toujours un nouveau gouvernement censé enclencher des réformes réclamées par la communauté internationale en échange d'aides tant nécessaires, après la démission de celui de Hassan Diab quelques jours après l'explosion.

Mais les partis politiques restent absorbés par des marchandages interminables. Entretemps le pays s'enfonce: aggravation de la pauvreté, chute libre de la monnaie locale, restrictions bancaires inédites, hyperinflation, carburant et médicaments introuvables. Même l'électricité est devenue un luxe.

Quant à ceux qui ont les moyens d'émigrer — médecins, avocats, étudiants — ils disent fuir cet enfer qu'est devenu le Liban.

(ATS)

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