Quelque 400 personnes, en majorité des victimes et familles de victimes, se sont rassemblées mercredi dans les jardins de la villa Massena, à quelques pas de la Promenade des Anglais.
C'est sur ce célèbre front de mer que, le 14 juillet 2016, une attaque djihadiste avait transformé «une chaude soirée, heureuse et festive» en «chaos», en «enfer», a rappelé Stéphane Erbs, co-président de l'association Promenade des Anges.
Ce soir-là, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, Tunisien d'une trentaine d'années demeurant à Nice, avait foncé au volant d'un camion de 19 tonnes au milieu des 30'000 personnes réunies pour le feu d'artifice, fauchant des dizaines de personnes en l'espace de deux minutes, avant que la police ne l'abatte.
L'attaque avait été revendiquée par le groupe djihadiste Etat islamique, qui contrôlait alors des territoires en Irak et en Syrie et menait des attentats meurtriers dans plusieurs pays du monde, même si l'enquête n'a confirmé aucune connexion entre l'organisation ultraradicale et son auteur.
«Le 14 juillet 2016 à Nice, c'est la République qui a été visée», a insisté le Premier ministre Jean Castex, présent à cet hommage avec plusieurs ministres, réaffirmant la volonté du gouvernement de ne jamais «céder à la barbarie (...) sur tous les terrains».
«Une vie plus âpre»
«Cinq ans, c'est à peine le temps de prendre conscience qu'une nouvelle vie a débuté, une vie où chaque jour est une épreuve (...), une vie plus difficile, plus âpre, plus amère, sujette à tant de colères et de questions», a rappelé M. Erbs, qui a perdu son épouse dans l'attentat.
«S'il y a une chose que je peux affirmer, c'est que nous ne serons plus jamais les mêmes. S'il y a une chose aussi que je peux affirmer, c'est que nous allons absolument rester debout» et ne pas emprunter «le chemin destructeur» de la haine, a de son côté souligné Hager ben Aouissi, co-présidente de l'association Life for Nice, une miraculée de l'attentat qui s'est jetée au sol avec sa fille de cinq ans entre les roues du camion, pour éviter d'être écrasées.
En ce mercredi d'hommage, les photos des 86 personnes tuées, de tous âges et de toutes nationalités, étaient déposées devant le coeur en plexiglas qui sert de mémorial dans les jardins de la villa Massena. Leurs noms ont été lus durant la cérémonie, accompagnés d'un morceau de musique jouée à la harpe.
Blessés psychiques
Pour beaucoup de proches de victimes, il est toujours impossible de faire son deuil. Plusieurs parents n'ont pu récupérer que l'an dernier les organes prélevés sur leurs enfants à des fins d'autopsie et mis sous scellés par la justice. Certains en contestent l'authenticité et ont saisi le Défenseur des droits après le refus d'une analyse ADN.
Outre les 86 victimes tuées et les 206 victimes blessées physiques, un total de 1683 personnes sont considérées comme des blessés psychiques de l'attentat.
Les enfants «ont vécu ce que personne n'est préparé à vivre, cinq ans après c'est toujours là, dans la mémoire, dans les cauchemars, dans une sirène de police», a rappelé Mme Ben Aouissi alors que 300 enfants sont toujours suivis à l'hôpital Lenval de Nice pour le psychotraumatisme subi.
L'attente du procès
Beaucoup de victimes attendent le procès, «difficile mais nécessaire étape», a rappelé M. Erbs en espérant que la justice «punisse avec fermeté». Le procès des huit personnes suspectées d'avoir aidé Mohamed Lahouaiej-Bouhlel se tiendra à Paris du 5 septembre au 15 novembre 2022.
Si les parties civiles (plus de 850) et leurs avocats se sont félicités de ce renvoi aux assises, elles déplorent cependant que deux des accusés, poursuivis pour des faits de droit commun, aient été remis en liberté en novembre suite à un vice de procédure.
Plusieurs victimes ont aussi regretté la lenteur de l'instruction conduite à Nice pour «homicides et blessures involontaires» sur le dispositif de sécurité déployé ce soir-là, copiloté par la préfecture et la mairie. M. Erbs a demandé que «la lumière soit faite sur les différentes défaillances ayant conduit à un si lourd bilan».