La guerre en Ukraine n’a pas connu d’évolution majeure ces dernières semaines. Les Russes gagnent du terrain dans le Donbass, mais de manière extrêmement laborieuse et en consommant énormément de ressources (soldats, matériel).
Comme l’Occident soutient activement l’Ukraine, les deux armées sont à peu près à égalité: les affrontements à l’usure pourraient encore durer des années, pensent de nombreux observateurs.
Un proche de l’opposant russe Alexeï Navalny a exposé sa théorie sur Twitter. Leonid Volkov parle de l’imminence du dernier combat de Vladimir Poutine. Ses prédictions sur le réseau social à l’oiseau bleu sont devenues virales. De nombreux internautes l’ont d’ailleurs rejoint dans ses conjectures.
Une trêve pour épargner les soldats
Leonid Volkov analyse la situation actuelle et déclare que la stratégie de Vladimir Poutine consiste actuellement à couvrir d’abord une région avec un feu d’artillerie massif, puis à envoyer des troupes qu’il juge dispensables au front (par exemple des mercenaires de Wagner).
Si ces dernières rencontrent une résistance, elles se retirent et le bombardement d’artillerie continue. «Cette approche permet à la Russie d’avancer lentement et d’éviter des pertes considérables dans l’armée régulière, après avoir perdu 30 à 50% de son personnel au cours des premiers mois de la guerre», affirme Leonid Volkov.
Le proche de Navalny estime encore que les systèmes de lance-missiles HIMARS M142 livrés par l’Occident à l’Ukraine déplacent le pouvoir sur le champ de bataille. L’armée russe n’aurait donc plus l’ascendant face aux armes occidentales. L’idée de Vladimir Poutine de gagner sur le champ de bataille aurait donc définitivement échoué.
«Il l’attaquera à nouveau dans quelques années»
Cette récente défaite serait à l’origine, d’après Leonid Volkov, d’une nouvelle stratégie du dirigeant russe: ce dernier souhaiterait obtenir un cessez-le-feu pour sécuriser les territoires conquis au sud. Ce ne serait en aucun cas temporaire, car le soutien à l’Ouest pour l’Ukraine diminuerait ensuite. De nombreux hommes politiques et leurs électeurs «préféreraient une mauvaise paix à une bonne guerre».
Vladimir Poutine obtiendrait alors des gains territoriaux, pourrait laisser ses troupes se reposer et n’aurait pas à craindre les conséquences de ses crimes, alors que des millions d’Ukrainiens ont perdu leur logement ou ont été déportés en Russie. «Et s’il est assez fort, il attaquera à nouveau dans quelques années», conjecture encore Leonid Volkov.
Faire changer d’avis les électeurs occidentaux
Comme l’Ukraine n’accepterait jamais un tel cessez-le-feu, Leonid Volkov est convaincu que Vladimir Poutine misera sur le chantage. L’objectif de ce dernier: viser les alliés occidentaux des Ukrainiens ou les électeurs de ces pays.
Sans l’Occident, l’Ukraine est impuissante estime le proche d’Alexeï Navalny. «Si Poutine a appris une chose en 22 ans de pouvoir, c’est que si l’on ne peut pas négocier directement avec les politiques occidentaux, il faut travailler avec leurs électeurs. Eux aussi dépendent de l’opinion publique (et c’est leur force, que Poutine considère comme une faiblesse).»
En juin, la Russie aurait déjà tenté de provoquer une famine en Afrique par un blocus des céréales, ce qui aurait provoqué une vague de réfugiés vers l’Europe et donc un glissement à droite des gouvernements. Dans l’espoir que les Occidentaux auraient tellement peur d’un tel scénario qu’ils ordonneraient à leurs gouvernements de ne plus soutenir l’Ukraine.
Mais l’Occident est resté fort, la tentative de chantage a échoué. C’est pourquoi Vladimir Poutine jouerait désormais sa «dernière carte maîtresse», comme l’appelle Alexeï Volkov: provoquer une crise énergétique. «Il va faire peur aux Européens. Jusqu’à ce qu’ils pensent qu’ils devront mourir de froid dans leur appartement cet hiver.» Pour ce faire, il déploiera toute la propagande dont il dispose. Son objectif est de créer une atmosphère dans laquelle les gens penseront: «Nous devons faire ce que veut Poutine, sinon l’Europe mourra de froid.»
«Les gens doivent croire que l’Ukraine peut gagner»
Leonid Volkov demande à l’Occident de ne pas se laisser prendre au piège. Selon lui, il est possible que l’Europe ait un hiver difficile à vivre devant elle, mais ce serait le prix à payer pour être resté inactif ces huit dernières années. Si nous cédons maintenant, nous aurons «un hiver nucléaire dans six à huit ans» alerte le Russe.
Au lieu de jouer le jeu de Vladimir Poutine, l’Occident devrait soutenir davantage l’Ukraine. Car la fenêtre d’opportunité pour reconquérir Kherson et d’autres régions est courte. Plus l’hiver approchera, plus le chantage au gaz de Vladimir Poutine pourra peser. Si les Ukrainiens obtenaient des succès rapides, l’opinion publique ne basculerait pas, Leonid Volkov en est convaincu: «Les gens doivent croire que l’Ukraine peut gagner.»
Le proche d’Alexeï Navalny estime que Vladimir Poutine ne choisit la stratégie du chantage que par désespoir, parce que son plan de guerre a échoué. Il sait en outre qu’il ne lui reste plus beaucoup de temps pour obtenir un cessez-le-feu. L’ami de l’opposant russe donne au chef du Kremlin «deux à trois mois». Ceux-ci seront difficiles, mais si l’on tient bon, Vladimir Poutine aura définitivement perdu. «Il a bien sûr déjà perdu. Mais nous devons l’écraser. Il ne doit pas s’en sortir. Et pour cela, nous devons résister à son dernier coup», appelle Leonid Volkov.
«Poutine ne veut pas de trêve»
Marcel Berni, expert en stratégie militaire de l’École polytechnique fédérale de Zurich ne croit guère aux déclarations de Leonid Volkov. Il est certes vrai que les Russes mènent des actions brutales dans les villages ukrainiens. En revanche, il est faux de dire que les missiles HIMARS M142 ont mis fin à la stratégie d’attaque des Russes. Les Ukrainiens ont trop peu de ces systèmes d’armes pour les utiliser à grande échelle. Au lieu de cela, les Ukrainiens obtiennent certes de plus en plus souvent des succès ponctuels, mais ce ne sont que de petits succès qui n’empêchent pas l’avancée des Russes, du moins dans le Donbass.
«C’est pourquoi Poutine ne veut pas non plus d’un cessez-le-feu, comme le prédit Volkov, explique Marcel Berni. Il veut gagner des territoires. Chaque jour où il n’y parvient pas est un jour perdu pour lui.» En tout état de cause, Vladimir Poutine serait «loin de négocier», les Russes n’ayant de cesse d’attaquer les Ukrainiens.
Des déclarations de propagande
L’idée de Leonid Volkov, selon laquelle Vladimir Poutine veut faire du chantage à l’Occident pour laisser tomber l’Ukraine, est également tirée par les cheveux selon Marcel Berni. «Bien sûr, Poutine utilise tous les moyens qui peuvent l’aider dans la guerre. Mais pas pour que l’Occident pousse l’Ukraine à un cessez-le-feu, mais simplement pour gagner le plus vite possible.»
D’après l’expert militaire de l’EPFZ, les déclarations de Leonid Volkov sont idéologiques et relèvent. Alexeï Navalny utiliserait la guerre comme plateforme de propagande pour nuire à son adversaire, le président russe. «La prémisse de Volkov est que Poutine est en train de perdre. Qu’il est en panique et doit réagir. Mais ce n’est pas du tout vrai. Sur le champ de bataille, on a plutôt l’impression d’un statu quo en ce moment, ce n’est pas une raison de paniquer pour Poutine.»
D’après Marcel Berni, Leonid Volkov a certes raison lorsqu’il dit que l’Ukraine dépend de l’Occident et que celui-ci observe avec inquiétude les blocages de céréales et de gaz. Mais il n’y a actuellement aucun signe que l’OTAN retire son soutien à l’Ukraine pour cette raison. Au contraire, la guerre a fait prendre conscience à l’Occident qu’il fallait absolument se passer du gaz russe, quelle que soit l’évolution de la situation en Ukraine. L’affirmation selon laquelle la guerre serait décidée dans les deux ou trois prochains mois relève également de la propagande, affirme le stratège militaire. À l’heure actuelle, elle dure encore un temps indéterminé, sans victoire rapide pour l’un des deux camps. «Je me demande d’ailleurs en quoi consisterait la victoire pour l'un des deux camps, questionne Marcel Berni. S’agit-il de l'acquisition de territoires spécifiques? Du contrôle politique? De l’anéantissement total de l’adversaire? Quand l’Ukraine ou les Russes diront 'Nous avons gagné'? Que veulent-ils exactement? Je ne le sais pas.»