Un crime contre l'humanité
L'Etat belge condamné pour le placement forcé d'enfants au Congo

Victoire historique pour cinq métisses enlevées au Congo: la Belgique a été condamnée. La cour d'appel qualifie leur séparation forcée de crime contre l'humanité, ouvrant la voie à des indemnisations.
Publié: 02.12.2024 à 11:35 heures
L'Etat belge est condamné à indemniser le dommage moral à cinq personnes (image prétexte/archives).
Photo: Christopher Neundorf
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ATS Agence télégraphique suisse

La cour d'appel de Bruxelles a condamné lundi l'Etat belge pour le placement forcé dans des orphelinats de cinq fillettes métisses au Congo avant l'indépendance de 1960. Elle estime que leur «enlèvement» à leurs mères constituait «un crime contre l'humanité». La justice a ainsi renversé le jugement de première instance de 2021. «La demande civile des appelantes fondée sur ce crime n'est pas prescrite», et «l'Etat belge est condamné à indemniser le dommage moral» des cinq femmes désormais septuagénaires, précise un communiqué de la cour.

Ce procès a été le premier en Belgique à mettre en lumière le sort réservé aux métis nés dans les anciennes colonies belges (Congo, Rwanda, Burundi), dont le nombre est généralement estimé autour de 15.000. La plupart d'entre eux n'étaient pas reconnus par leur père, et ne devaient se mêler ni aux Blancs, ni aux Africains. «On a gagné», a réagi auprès de l'AFP Michèle Hirsch, l'avocate des plaignantes.

Les cinq plaignantes Léa, Monique, Noëlle, Simone et Marie-José sont toutes nées entre 1945 et 1950 de la relation d'un homme blanc avec une femme noire dans l'ex-colonie belge, aujourd'hui la République démocratique du Congo (RDC). A l'âge de deux, trois ou quatre ans, elles ont été retirées de force à leurs familles maternelles pour être placées dans des institutions religieuses, où elles disent avoir été victimes de mauvais traitements.

«Sans l'accord de leur mère»


Selon leur défense, la pratique relevait de «la politique de ségrégation raciale et de rapts instaurée par l'Etat colonial», et a été assortie d'"un vol de l'identité» de ces enfants. «Les métis étaient écartés car ils mettaient la colonie en danger (...) Leur quête d'identité est encore à ce jour empêchée», avait affirmé à l'audience en septembre Me Hirsch.

Lundi, la cour d'appel de Bruxelles a relevé que les cinq plaignantes avaient été «enlevées à leur mère respective, sans l'accord de celle-ci, avant l'âge de sept ans, par l'Etat belge en exécution d'un plan de recherche et d'enlèvement systématique» ciblant les enfants métis «uniquement en raison de leurs origines».

«Leur enlèvement est un acte inhumain et de persécution constitutif d'un crime contre l'humanité en vertu des principes de droit international reconnus par le Statut du Tribunal de Nuremberg, intégrés dans le droit international», est-il souligné. L'arrêt cite une résolution de l'ONU confirmant ces principes de droit adoptée en décembre 1946. «La cour condamne l'Etat belge à indemniser le dommage moral des appelantes résultant de la perte de leur lien à leur mère et de l'atteinte à leur identité et à leur lien à leur milieu d'origine», indique encore le communiqué.

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